
À 77 ans, James Ellroy, le "chien fou" du roman noir, continue de mordre : Actualités
2025-04-05
Auteur: Jean
Le monde moderne ne retient pas l'attention de James Ellroy. À 77 ans, l'écrivain américain persiste à explorer le Los Angeles de son enfance, un lieu empreint de violence, de corruption et de sordidité. Il se dit encore prêt à attendre un rival pour revendiquer son titre d'"meilleur auteur de roman policier" au monde.
Invité d'honneur du festival Quais du polar à Lyon, dans le sud-est de la France, le maître du roman noir, reconnu pour sa provocation et son caractère explosif, se décrit comme "obsessionnel" dans un entretien avec l'AFP.
Ses obsessions prennent forme autour du sexe, des policiers véreux, des criminels, des intrigues politiques, des abus d'alcool ou de drogues, des tabloïds à scandale et, bien sûr, des meurtres.
Dans des œuvres telles que Le Dahlia Noir, American Tabloïd, L.A. Confidential ou Le Grand Nulle Part, il brosse le portrait d'une Amérique sombre, en utilisant un style qu'il décrit comme "inventé", un mélange d'argot des bas-fonds et de phrases courtes, syncopées, qu'il compare à des mots écrits sous acide.
"C'est le langage du dénigrement", déclare celui qui remet en question plusieurs mythes américains, y compris les frères Kennedy et Marilyn Monroe, particulièrement critiquée dans son dernier ouvrage Les Enchanteurs. Selon lui, elle était "stupide, creuse et prétentieuse", qu'il a choisi de placer au cœur de son récit "parce qu'elle est reconnaissable".
Un passé tragique
Les récits de James Ellroy, dont la mère a été assassinée à Los Angeles en 1958 – un crime non résolu – tournent souvent autour d'une femme mystérieusement disparue. Il prétend que cela n'est pas lié à son enfance et qu'il a "dépasse ça depuis longtemps", mais cet événement tragique reste l'acte fondateur de son œuvre.
Après la mort de sa mère, alors qu'il n'avait que dix ans, il est confié à son père, un homme indulgent qui le laisse vivre à sa guise. Le jeune Ellroy dérive peu à peu et passe une décennie à la rue, jonglant entre larcins et addictions.
Sa santé se détériorant, il finit par se reprendre dans la trentaine, travaille comme caddie de golf et commence à mettre sur papier ses obsessions nourries par ses années d'errance.
Un demi-siècle plus tard, il reste attaché à ces obsessions : "Je veux que les lecteurs appréhendent mes obsessions, qu'ils lisent mes livres de manière obsessionnelle", confie le "chien fou" de la littérature.
Retour aux fondamentaux
Pour immerger ses lecteurs dans des fresques mêlant réalité et fiction – "je réécris l’Histoire" – James Ellroy suit une méthode rigoureuse.
Il écrit à la main pendant un an, en lettres capitales, définissant les grandes lignes de son récit. Lorsque vient le temps de la rédaction, il se sent libre d'improviser dans la direction qu'il a tracée.
Bien que certains personnages soient basés sur des figures réelles, il admet qu'il "invente" souvent, détestant les recherches et refusant de se plier à des contraintes.
Encore plus que la recherche, il abhorre les discussions sur la politique moderne et d'autres sujets contemporains qui pourraient pourtant susciter de passionnants romans noirs. "Le monde actuel ne m'intéresse pas", déclare-t-il avec franchise. Il ne possède pas d'ordinateur ni de téléphone portable, affirmant vivre en dehors des normes modernes dans un style de vie presque austère.
Résidant à Denver, Colorado, Ellroy travaille sur son prochain livre, se déroulant encore en 1962, ignorant délibérément l'actualité littéraire contemporaine. "Je ne lis que des polars et des romans populaires américains", à la recherche de "bonnes intrigues et de personnages forts".
"Je suis le meilleur auteur de roman policier qui ait jamais existé, personne n'est aussi bon ou aussi profond que moi. Mais peut-être qu'un jour, je serai surpassé...", conclut-il avec une humble audace.