Affaire Boualem Sansal : "L'atteinte au sentiment national algérien interdirait-elle de rappeler des vérités historiques ?"
2024-11-27
Auteur: Marie
TRIBUNE - Boualem Sansal, reconnu pour son engagement littéraire et social, a été placé sous mandat de dépôt par le parquet antiterroriste d'Alger, risquant une peine de réclusion à perpétuité. L'écrivain est accusé d'avoir "blessé le sentiment national algérien", une situation qui soulève des interrogations sur la liberté d'expression et le traitement de l'histoire en Algérie.
Selon Christophe Boutin, professeur de droit public, cet incident doit pousser les intellectuels à exiger la libération immédiate de Sansal. Mais au-delà, il est crucial de se pencher sur les raisons de cette arrestation, qui semblent refléter un malaise profond dans la société algérienne.
Benjamin Stora, historien éminent, a souligné que l'arrestation de Sansal est liée à ses déclarations dans un entretien accordé à un média où il a évoqué des vérités historiques souvent ignorées. Parmi celles-ci, il a rappelé que durant la colonisation, la France avait intégré des territoires relevant de la souveraineté marocaine dans l'ancienne Algérie ottomane. Il a aussi mentionné des promesses faites par le Front de libération nationale (FLN) aux autorités marocaines, qui n'ont jamais été réalisées.
De plus, Boualem Sansal a rappelé que lors de la guerre des Sables en 1963, l'armée marocaine a infligé une défaite à l'armée algérienne, une réalité souvent minimisée dans le discours national. Ces vérités, bien que dérangeantes, sont essentielles pour une compréhension complète de l'histoire algérienne et des relations avec le Maroc.
Dans un contexte où la liberté d'expression est menacée, la situation de Boualem Sansal pose la question : jusqu'où peut-on aller dans la réécriture de l'histoire au nom du sentiment national ? Les actions de Sansal devraient inciter à un débat ouvert et à une réévaluation des narrations historiques, car ignorer le passé ne peut que nuire à l'avenir. Ce cas rappelle aux Algériens que même dans un pays indépendant, la vérité historique reste une arme redoutable qui peut être redoutée par ceux qui détiennent le pouvoir.
Est-ce que le régime algérien redoute réellement que ces vérités historiques puissent remettre en question la construction de l'identité nationale? Les voix qui s'élèvent pour défendre la liberté d'expression, à commencer par celle de Boualem Sansal, sont plus cruciales que jamais. Il est temps que le pays reconnaisse et embrasse son histoire dans toute sa complexité.