Affaire Squarcini : le "Squale", un poisson dans l'étang LVMH
2024-11-13
Auteur: Philippe
Des manigances et un réseau bien établi. Les péripéties de Bernard Squarcini, ancien superviseur du renseignement sous Nicolas Sarkozy, dans le monde des affaires et des grands patrons, sont loin d'égaler celles d'un héros de fiction comme Georges Smiley. Cependant, elles ne manqueront pas d'attirer l'attention des médias lors de son procès qui débute ce mercredi 13 novembre et se poursuivra jusqu'au 27 du même mois au tribunal correctionnel de Paris.
L’ancien chef de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), devenu DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) en 2014, doit faire face à onze accusations, parmi lesquelles figurent « trafic d’influence » et « compromission du secret-défense ». Il sera accompagné de dix autres prévenus, y compris des policiers, des responsables d'entreprises d'intelligence économique, ainsi qu'un haut dirigeant de LVMH et un ancien préfet, Pierre Lieutaud, ex-número deux du coordinateur national du renseignement.
Squarcini, qui clame son innocence, se retrouve au coeur d’un dossier tentaculaire s’étendant de 2008 à 2016, suspecté d'avoir détourné les moyens de renseignement intérieur pour des intérêts privés, et ce en quatre volets distincts.
Épisode 1 : Service secret pour Bernard Arnault
À la fin de 2008, une série de menaces vise Bernard Arnault, le PDG de LVMH. Un individu prétend détenir des photos compromettantes de lui et exige 300 000 euros. Arnault, inquiet d’un scandale public, choisit de ne pas porter plainte. Sous l'instruction de Squarcini, une opération de surveillance secrète est alors mise en place. Un groupe de policiers est missionné pour surveiller l'individu suspecté d'être derrière le chantage, conduisant LVMH à tenter de régler l’affaire en interne.
La question se pose de savoir si cette intervention relevait vraiment de la sécurité nationale ou si elle était destinée à protéger les intérêts personnels d'Arnault. Ce flou a suscité l’inquiétude parmi les agents impliqués, qui s’interrogeaient sur les ordres de mission qui restaient dans l’ombre.
Épisode 2 : Relations avec la mafia corse
En 2010, le parquet de Nanterre enquête sur le cercle Wagram, dont les opérations seraient sous influence du crime organisé corse. Squarcini, avec ses contacts dans le milieu, se montre particulièrement intéressé par la manière dont ses collègues traitent cette affaire, remettant en question la neutralité des opérations qu’il dirige. Des allégations se font jour concernant des relations troublantes et un possible favoritisme.
Épisode 3 : Le "Squale" contre "Fakir"
En 2012, Bernard Squarcini se reconvertit dans le conseil avec sa société Kyrnos, tombant rapidement sous le radar des grandes entreprises, dont LVMH. Des inquiétudes surgissent en interne concernant un groupe d'activistes qui planifiait d'entraver l’assemblée des actionnaires de LVMH. Des poursuites d’infiltration sont envisagées, mais que se passe-t-il quand ces opérations échouent et apparaissent au grand jour grâce au documentaire « Merci Patron ! » de François Ruffin?
Épisode 4 : Les secrets s’accumulent
Même après son départ de la DCRI, Squarcini reste actif dans le monde du renseignement. Il continue d’utiliser ses anciens contacts pour obtenir des informations, exploitant les ressources douteuses qu’il a accumulées durant sa carrière. Cela soulève des questions sérieuses sur la manière dont les informations confidentielles sont gérées après un changement de carrière.
L'ancien policier est également accusé d'avoir tenté de transmettre des documents sensibles concernant des affaires politiques, y compris une note suspecte sur Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, prétendant que des fonds cachés en Suisse étaient destinés à financer une autre campagne présidentielle. Cette divulgation pourrait avoir des implications majeures et soulève des interrogations sur l'intégrité des services de renseignement en France.
Cette affaire, qui mélange espionnage, pouvoir et affaires, ne manquera pas de faire scandale dans les mois à venir, car le tribunal doit maintenant juger non seulement les actions de Squarcini, mais aussi examiner les réseaux d'influence cachés qui pourraient en découler.