Nation

Antoine Bozio et Etienne Wasmer, économistes : « Il est temps de repenser notre approche vis-à-vis du SMIC »

2024-10-04

Depuis les années 1990, la politique publique majeure en faveur de l'emploi en France a été la réduction des cotisations sociales des employeurs. Bien que cette mesure ait été instaurée pour diminuer le coût du travail, elle entraîne des répercussions financières graves pour la Sécurité sociale, lesquelles ont été estimées à près de 75 milliards d'euros en 2023. Ce manque à gagner représente environ 3 % du PIB français, contraignant l'État à se tourner vers d'autres sources de financement, tels que des impôts supplémentaires.

Cette politique a aussi favorisé la concentration des embauches sur des salariés payés au SMIC, conduisant à l'augmentation de leur proportion dans l'ensemble de l'emploi. Cela est le résultat, non seulement des récentes revalorisations du SMIC, mais également des effets indésirables générés par la politique d'exonérations de cotisations sociales. Il apparaît essentiel de corriger ces déséquilibres.

Les exonérations ne s'appliquent que jusqu'à un certain seuil de salaire, limitant ainsi leur impact positif sur les rémunérations supérieures. En effet, lorsqu'un employeur choisit d'augmenter le salaire d'un salarié, il se retrouve souvent dans une situation où il doit débourser jusqu'à 480 euros pour que ce dernier perçoive une augmentation de seulement 100 euros. Cela crée une barrière à la progression des salaires, une situation pourtant déjà anticipée dans plusieurs rapports pendant des décennies.

Il est maintenant impératif d'évoluer vers une nouvelle stratégie. Alors que le chômage a connu une baisse significative, il convient de rediriger les efforts vers des groupes de salariés qui gagnent entre 1,2 et 2 fois le SMIC. Les récentes transformations du marché du travail, en particulier celles liées à l'automatisation et à l'intelligence artificielle, vont toucher ces catégories, rendant leur protection et promotion essentiel.

Les économistes Bozio et Wasmer soutiennent qu'il est important de ne plus considérer l'augmentation de l'emploi payé au SMIC comme seule boussole des réformes. Au contraire, l'accent devrait être mis sur la qualité des emplois. Cela se traduit par une proposition : réduire progressivement les exonérations de cotisations pour les salaires au SMIC tout en augmentant celles destinées aux salaires intermédiaires, se situant entre 2 100 et 3 400 euros. Une telle approche permettrait non seulement d'inciter les employeurs à revaloriser les salaires, mais aussi à sortir de la trappe à bas salaires millions de travailleurs en quête d'une meilleure qualité de vie.