Nation

Bas salaires et Smic : Michel Barnier entrevoit une révolution fiscale

2024-10-02

Augmentation du Smic et réforme des exonérations

Dans le cadre de sa récente déclaration de politique générale, Michel Barnier a principalement retenu l'attention avec une annonce marquante : une augmentation de 2 % du Smic, anticipée de deux mois. Cependant, le Premier ministre a également laissé entrevoir une potentielle réforme sur les exonérations de charges pour les bas salaires, provoquant un vif intérêt parmi les députés lors de sa prise de parole le mardi 1er octobre. « Il est désormais démontré que notre dispositif d’allègement de charges freine la hausse des salaires au-dessus du Smic. Nous le reverrons », a-t-il affirmé, ouvrant ainsi la porte à une modification significative du système actuel.

Contexte historique et constat actuel

Ce constat, bien que familier, a été clairement articulé dans un rapport d’Antoine Bozio et Étienne Wasmer, commandé par Élisabeth Borne en 2023. Ce dernier plaide pour une véritable transformation des exonérations actuelles, visant à dynamiser les salaires et l'emploi en France.

Les mesures d’allègement de charges passée

Pour faire un rapide retour en arrière, il est essentiel de rappeler que dans les années 90, le taux de chômage dépassait les 10 %. Pour lutter contre cette crise, le gouvernement d’Édouard Balladur avait mis en place un allègement des charges sur les salaires proches du Smic, abaissant certaines cotisations sociales patronales afin d’encourager l’embauche. Ce système a été continuellement étendu, offrant aujourd’hui des réductions généreuses pour les salaires allant jusqu’à 1,6 Smic, mais engendrant également des allègements variés pouvant s’étendre jusqu'à 3,5 Smic.

Impact et critiques du système actuel

Ces mesures étaient initialement bénéfiques, entraînant la création de milliers d'emplois peu rémunérés. Pourtant, 30 ans plus tard, dans un contexte inflationniste important et avec un chômage en dessous des 10 %, de nombreux experts dénoncent le phénomène de « smicardisation » et les « trappes à bas salaires », qualifiant le dispositif d’obstacle à l'augmentation des salaires.

La stagnation des salaires et les primes non salariales

En effet, ce système motive les entreprises à conserver les rémunérations dans la fourchette de 1 à 1,6 Smic afin de bénéficier des exonérations les plus avantageuses. Selon les estimations, pour augmenter le salaire net d’un employé à 2000 euros brut de 100 euros, l’entreprise pourrait perdre jusqu'à 500 euros en raison des exonérations de charges. Ce phénomène, associé à la prime Macron, contribue à la stagnation générale des salaires, modifiant les attentes salariales en faveur de primes non salariales, souvent exonérées de charges sociales.

Pistes de réforme proposées

Concernant les intentions de Michel Barnier pour remédier à ce système, les détails n’ont pas été spécialement précisés lors de sa déclaration. Toutefois, les économistes Bozio et Wasmer ont proposé diverses pistes de réflexion. Parmi celles-ci, on trouve le réajustement des exonérations, avec une réduction de celles-ci sur le Smic, passant de 40 % à 36 %, ainsi que la possibilité d’éliminer les augmentations de salaires au-dessus de 1,9 et 2,5 Smic, tout en renforçant les allègements pour les rémunérations inférieures à ces seuils.

Conclusion et enjeux fiscaux

Alors que Gabriel Attal a exprimé le souhait de « dé-smicardiser la France » en s’attaquant aux exonérations entre 3 et 3,5 Smic, la question demeure : Michel Barnier emboîtera-t-il le pas ? Une chose est certaine, toute reforme doit prendre en compte le potentiel de rentrées fiscales pour l'État, surtout dans un contexte de déficit public préoccupant, qui pourrait atteindre 6 %. Les exonérations sur les bas salaires représentent une perte de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an pour les finances publiques. La pression est forte et la nécessité d'une action s'impose.