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Bordeaux : "Je ne prévois pas d’arrêter", les jeunes face à l'interdiction des puffs

2024-11-26

Auteur: Marie

"Je la fume matin, midi et soir. Ça a bon goût", partage Lilou, 15 ans. Devant le lycée Montaigne à Bordeaux, la puff est désormais l’accessoire incontournable après les cours. "Tout le monde en a une", témoigne la jeune fille en classe de seconde. Avec leurs emballages colorés et leur prix abordable, les cigarettes électroniques jetables, qu'elles contiennent ou non de la nicotine, sont devenues extrêmement populaires parmi les adolescents. Selon la dernière étude de l’Alliance contre le tabac (ACT), publiée le 21 novembre, 81 % des 13-16 ans connaissent ces produits et 18 % en ont déjà consommé, une augmentation de 5 points par rapport à 2022.

Les puffs, accusées de faciliter l'accès au tabagisme et de causer des dommages environnementaux à cause des microplastiques et des produits chimiques, devraient être retirées du marché français d'ici la fin de l'année. Cette décision suscite des inquiétudes chez les buralistes. "C’est toujours la même chose", réagit Didier, gérant d’un bureau de tabac à Bordeaux. "La consommation ne va pas diminuer, l'impact écologique non plus. C’est juste une perte de revenus pour les commerçants comme nous."

Pour Didier, la vente de ces cigarettes jetables représente entre 5 et 10 % de son chiffre d'affaires annuel. Ces quatre dernières années, il a constaté une baisse continue des ventes de tabac, avec une diminution de 10 % chaque année. "Un jour, nous nous retrouverons aux côtés des agriculteurs", indique-t-il en référence au mouvement de contestation des agriculteurs. "Notre métier se meurt à petit feu".

Didier est sceptique quant à l'efficacité de l'interdiction des puffs. "Je ne pense pas que cela arrivera cette année, il y a trop de trous dans le budget de l’État. Mais cela finira par arriver." Selon lui, cette mesure n'influencera pas la consommation chez les jeunes, qui continueront d'acheter via des circuits parallèles.

À la sortie du lycée Montaigne, Pierre fume sa cigarette électronique. "C’est de la merde, ce qu’il y a dans les puffs", déclare-t-il, bien qu'il ait lui-même fait commerce de ces produits pendant plusieurs mois. Il explique avoir acheté des cartons de puffs, contenant entre 9 000 et 16 000 bouffées, pour les revendre à ses camarades. "Les jeunes de mon âge ne vont pas dans les bureaux de tabac, c’est trop cher", précise-t-il. Bien qu'il ait mis fin à cette activité, il admet que c'était une affaire lucrative.

Juliette, une élève de 16 ans, révèle : "J’ai été influencée". Elle fume depuis six mois et ne pense pas que l'interdiction affectera sa consommation. Elle préfère se tourner vers des approvisionnements clandestins, souvent via Instagram où la livraison est proposée. "Au début, tu veux juste essayer pour être stylé, mais c’est vrai que c’est moins stylé quand tu deviens accro… Je ne prévois pas d’arrêter", avoue-t-elle, entre deux bouffées de sa puff goût pastèque.

Cette réalité met en lumière la lutte croissante entre la réglementation des substances et l'imagination des jeunes, qui trouvent toujours des moyens d'accéder à ce qu'ils désirent. Dans ce contexte, il est essentiel d’aborder les préoccupations liés à la santé publique et à l'environnement, tout en comprenant les comportements des jeunes consommateurs.