Des femmes indiennes victimes d'un nouvel outil de harcèlement : la technologie de surveillance
2024-11-22
Auteur: Léa
Des femmes indiennes font face à des actes de harcèlement et d'intimidation à travers des dispositifs de surveillance comme des caméras et des drones, traditionnellement destinés à surveiller la faune, selon des chercheurs. Cette dénonciation vient de Trishant Simlai, de l'Université de Cambridge, qui a interrogé 270 femmes vivant à proximité de la réserve de tigres de Corbett, dans le nord de l'Inde.
Un incident choquant a révélé comment des hommes ont partagé sur les réseaux sociaux la photo d'une femme autiste se soulageant dans la forêt, illustrant ainsi une exploitation déplorable des technologies de surveillance. Pour ces femmes des villages environnants, la forêt représente un espace de "liberté et d'expression", loin des normes patriarcales qui régissent leur quotidien. Dans cet environnement, elles s'autorisent à chanter, à discuter de sujets tabous tels que la sexualité, et à consommer de l'alcool tout en s'occupant de tâches liées à leur foyer.
Cependant, l'introduction de caméras pièges, drones et enregistreurs pour le suivi de la faune a eu un effet "disproportionné" sur ces femmes. Certaines doivent même échapper à des survols "délibérés" de drones, les poussant à fuir lorsqu'elles reviennent de leurs activités dans la forêt. Une étude parue dans Environment and Planning F met en lumière ce phénomène alarmant.
Des témoignages révèlent que la présence de ces dispositifs inhibe leur comportement naturel, par la peur d'être photographiées ou enregistrées dans des situations compromettantes. Un exemple particulièrement troublant a été rapporté : un garde-forestier a déclaré que lorsqu'un piège photographique a capté un couple en train de s'embrasser, la police a été immédiatement alertée.
Une femme a même raconté que, suite à l'humiliation causée par la diffusion de la photo d'une femme de sa caste, ses voisins ont détruit les caméras qu'ils ont pu trouver. Après avoir été confrontées à des situations de harcèlement, certaines femmes se sentent contraintes de rentrer encore plus loin dans la forêt, qui abrite l'une des plus fortes densités de tigres au monde. Elles chantent moins, ce qui les rend plus vulnérables, car ce chant servait auparavant à avertir les animaux de leur présence.
Un incident tragique a vu une femme, qui avait évité les caméras pour se rendre dans des zones reculées, être tuée par un tigre cette année. En revanche, des récits font état d'une femme battue par son mari qui utilisait les caméras à son avantage, s'y plaçant devant pour se protéger de l'agression.
Malgré les conséquences néfastes sur la vie de ces femmes, les systèmes de surveillance ont démontré leur efficacité pour la conservation de la faune. M. Simlai préconise une sensibilisation des communautés locales sur ces systèmes et insiste sur la nécessité d'une implication active pour éviter des abus.
Rosaleen Duffy, une chercheuse en écologie à l'Université de Sheffield, a déclaré ne pas être surprise par les conclusions de cette étude. Elle a souligné que les écologistes semblent souvent négliger le contexte social et politique dans lequel ces technologies sont introduites. Duffy appelle à l'établissement de règles claires concernant l'utilisation de ces outils et à des sanctions strictes pour ceux qui les manipulent de manière inappropriée. Une prise de conscience générale est essentielle pour éviter que ces technologies ne se retournent contre les plus vulnérables.