
ENQUÊTE FRANCEINFO : « J'ai dû le filmer en flagrant délit pour le faire fuir » : des joggeuses témoignent de l'harcèlement et des agressions
2025-04-12
Auteur: Pierre
Harcèlement à chaque foulée
Au bois de Vincennes, le mercredi 2 avril, Stéphanie M., ingénieure de 29 ans, se lance dans sa routine de jogging. À peine 20 minutes plus tard, elle se retrouve confrontée à des comportements inacceptables. Klaxons et commentaires déplacés fusent : « Belle petite pute qui court en short » ! Écoeurée, elle commence à consigner chaque insulte et acte humiliant dans son téléphone, comme une collecte de preuves du calvaire que subissent tant de femmes en pleine course.
Un fléau lié à la pratique sportive
Stéphanie n'est pas seule. En France, plus de 6 millions de joggeuses partagent cette réalité. Selon un sondage, 56% d'entre elles ont déjà été confrontées à des situations troublantes lors de leurs sorties, entre regards insistant, sifflets et mains aux fesses. Les récits affluent, témoignant d'un problème qui dépasse le cadre individuel.
Des témoignages poignants lors du marathon de Paris
À l'approche du marathon de Paris, Franceinfo a récolté plusieurs témoignages poignants. Hélène, une communicante de 33 ans, se souvient d'une fois où elle a été suivie dans une rue déserte : "Quand je l'ai aperçu, il était juste derrière moi, proférant des propos dégradants. C'était terrifiant !" Dans ce climat de peur, elle cherche refuge dans un restaurant pour échapper à la menace.
L'exhibitionniste et la nécessaire auto-défense
L'été dernier, à Nantes, Céline R. a vécu une expérience traumatisante : face à un exhibitionniste, elle a dégainé son téléphone pour le filmer, se défendant ainsi. Pourtant, elle se heurte au désespoir de ne pas être prise au sérieux, se demandant : « À quoi bon ? ».
Des agressions qui laissent des séquelles
Olga G., biologiste de 28 ans, raconte une attaque où un homme a tenté de l'embrasser au cours d'une course matinale. Depuis cet incident, elle souffre de séquelles psychologiques, la conduisant à consulter régulièrement un psychologue. Son agressivité a laissé des traumatismes durables.
Alerte sur l'insécurité des joggeuses
Une étude révélée par Adidas a mis en lumière l'insécurité ressentie par 92% des femmes lors de leur jogging. Les coureuses adaptent leur pratique : beaucoup évitent de sortir la nuit ou préfèrent être accompagnées. Face à cette réalité, le groupe Facebook "Copines de Running" connaît un essor fulgurant, permettant aux femmes de se rencontrer pour courir ensemble en toute sécurité.
Techniques de prévention inédites
Pour maximiser leur sécurité, les joggeuses mettent en œuvre des stratégies de protection. Hélène retire ses écouteurs dans les rues désertes, tandis que Méhusine prévient son mari de son itinéraire. D'autres, comme Elise D., adoptent des tenues amples pour éviter d'attirer des regards.
La montée d'un féminisme sportif
Aujourd'hui, des accessoires de sécurité comme les sprays lacrymogènes se vendent comme des petits pains chez les magasins d'articles de sport. Les femmes se déplacent de plus en plus préparées, conscientes des menaces qui pèsent sur elles.
Victimes de cyberharcèlement aussi
Sur les réseaux sociaux, la lutte continue. De nombreuses coureuses sont victimes de cyberharcèlement, s'exprimant à travers des inscriptions dégradantes visant leur apparence physique. Une influenceuse de Lyon témoigne des insultes qu’elle reçoit régulièrement : "Je suis cyberharcelée parce que je fais du sport, à cause de mon corps. C'est inacceptable !"
Le défi de vivre en sécurité en faisant du sport
Les coureuses de France font face à un défi quotidien : allier leur passion du jogging à leur désir de sécurité. Alors que certaines cherchent à se protéger des menaces physiques, d'autres s'attaquent au cyberharcèlement qui pourrit leur expérience. L'appel à un changement de mentalité, de la part de l'ensemble de la société, reste plus que jamais d'actualité.