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Entreprises : faut-il réévaluer les exonérations de cotisations salariales qui pèsent 75 milliards d’euros par an ?

2024-10-04

Chaque année, les exonérations de cotisations salariales représentent un coût de 75 milliards d'euros pour les finances publiques. Dans le cadre du budget 2025, le gouvernement s'appuiera sur un rapport analysant ces exonérations accordées aux employeurs, qui visent à stimuler l'emploi au SMIC. Les dispositifs mis en place depuis les années 90 sont-ils toujours pertinents ? Devraient-ils être abolis ?

Elisabeth Borne avait sollicité, il y a quelques mois, un rapport auprès de deux économistes, Antoine Bozio et Étienne Wasmer, visant à lutter contre la "smicardisation de la France" et à encourager les employeurs à augmenter les salaires de leurs équipes. Pour Antoine Bozio, la suppression des effets de seuils est essentielle. Ces effets diminuent les exonérations lorsque le salaire augmente, ce qui décourage les augmentations salariales.

Mais faut-il vraiment s'attaquer à cette question des exonérations ? Dans une société où les dispositifs d'exonération de cotisations sociales sont multiples, la complexité du sujet ne doit pas être sous-estimée. Le rapport souligne un barème qui génère d'importantes exonérations pour les salaires minimums, mais celles-ci s'amenuisent rapidement dès qu'un employeur souhaite augmenter le salaire d'un employé au SMIC.

Ces exonérations, initialement conçues pour favoriser l'emploi pendant des périodes de chômage élevé, ont-elles encore un impact positif aujourd'hui ? À l'époque de leur introduction, leur succès était manifeste, mais le contexte a évolué. Actuellement, comme l'indique Antoine Bozio, le taux d'emploi a grimpé en flèche et les entreprises cherchent à mieux rémunérer leurs employés.

Le rapport rassemble des éléments permettant de penser qu'un ajustement du barème pourrait être bénéfique, favorisant à la fois les augmentations salariales et le maintien d'emplois au-delà de 1,2 SMIC. La concentration des exonérations au niveau du SMIC risque de maintenir une partie des salariés sans perspectives d'évolution salariale.

Les exonérations de cotisations peuvent contribuer à des "trappes à bas salaires", où les salariés demeurent au SMIC toute leur carrière. Bien que définir rigoureusement le lien de causalité reste complexe, des exemples étrangers montrent que le système actuel peut être amélioré. Si l'on parvient à diminuer les exonérations en faveur des hausses salariales, l’impact sur l'emploi pourrait être minime.

L’idée serait d’adoucir les effets de seuil et d'éventuellement supprimer les exonérations pour les salaires élevés. Actuellement, ces exonérations s'étendent jusqu'à 3,5 SMIC. Les effets d'une telle politique sur les salaires plus élevés seraient faibles comparés aux bénéfices pour les bas salaires, où chaque augmentation est plus significative.

Prenons l’exemple d’un salarié à 2,5 SMIC : une augmentation de 1 euro de son salaire brut coûterait 2750 euros supplémentaires à son employeur, ce qui paraît absurde. Ce type de seuils complexes complique largement la dynamique salariale et nuit à la compétitivité des entreprises.

Un barème unique qui lisse les exonérations dès le SMIC jusqu'à 2,5 SMIC serait envisagé. Ce mécanisme se veut à budget constant, permettant d'améliorer l'emploi et la dynamique salariale, tout en augmentant les ressources fiscales via de meilleures cotisations sociales.

Des salaires plus élevés permettraient en effet de générer davantage de cotisations, renforçant ainsi les finances publiques, comme le souligne Bozio. Cependant, la crainte exprimée par certains patrons est que le coût du travail augmente pour les salaires supérieurs à 2,5 SMIC.

Pourtant, dans l'industrie, les travailleurs se situent souvent autour de 1,6 SMIC, ce qui pourrait leur être bénéfique. Un équilibre pourrait être trouvé où certains employés verrait une hausse de coûts, tandis que d'autres bénéficieront de réductions. Ce modèle pourrait même mener à aucun impact négatif significatif sur l'emploi.

Le rapport exhaustif, remis au Premier ministre Michel Barnier, vise à nourrir le débat parlementaire sur la loi de financement de la sécurité sociale et à inspirer des réformes à long terme pour simplifier le financement de notre protection sociale. Un enjeu crucial se dessine pour l'avenir : comment financer la protection sociale sans non seulement affecter l'emploi, mais aussi améliorer la productivité de notre économie afin de défendre le modèle social français.