Guerre en Ukraine : La lutte contre le nazisme, socle du patriotisme russe dans la politique de Poutine
2024-11-19
Auteur: Michel
Trois ans après le début de l'« opération spéciale » en Ukraine, l'avenir de ce conflit demeure incertain. Les armées ukrainienne et russe continuent de mobiliser leurs forces pour maintenir leurs positions, tout en s'efforçant de persuader leurs populations des raisons justifiant ce combat. En ce sens, la thématique de l'ennemi nazi s'est profondément ancrée dans la propagande russe.
Depuis 2014, avec la révolution de Maïdan, ce discours a été principalement dirigé vers l'Europe, cherchant à convaincre les Occidentaux que le mouvement ukrainien était dominé par des néonazis, capitalisant sur la sensibilité historique des Européens face au nazisme. Cette stratégie s'est révélée efficace à l'époque, selon Anna Colin Lebedev, chercheuse spécialisée dans les sociétés post-soviétiques.
Dès le début de l'offensive militaire le 24 février 2022, le besoin de « dénazifier l'Ukraine » a été mis en avant pour justifier l'engagement des troupes russes. Cette fois, le Kremlin a ciblé surtout sa population intérieure. Selon Tatiana Kastoueva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI à l'Institut français des relations internationales, ce discours résonne fortement chez les Russes, unis par leur histoire collective de lutte contre le nazisme.
Cette mémoire collective apparaît particulièrement forte chez les jeunes générations qui, par le biais du récit patriotique actuel, se sentent appelées à revendiquer un héritage de courage et de sacrifice, un écho à ceux de leurs ancêtres qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme le souligne Carole Grimaud, chercheuse à l'université Aix-Marseille, le patriotisme est devenu la pierre angulaire de la politique de Poutine, contribuant au recrutement dans les rangs de l'armée.
Derrière la métaphore du « mal absolu » que représente le nazisme, un autre adversaire se dessine : l'Occident, perçu comme en déclin. Ce discours qui a gagné en importance ces deux dernières années évoque l'OTAN comme l'héritier d'une vieille rivalité contre l'URSS, avec l'Ukraine considérée comme un bras armé des puissances occidentales.
Cette double narration place l'Ukraine à la croisée de deux combats : celui contre le nazisme et celui contre ce qui est présenté comme l'agression occidentale. La guerre en Ukraine est ainsi redéfinie comme une bataille pour protéger des valeurs traditionnelles et conservatrices, une priorité pour le régime de Poutine depuis les années 2000, engendrant une défense idéologique auprès de la population.
La réécriture de l'Histoire en cours en Russie, qui célèbre la « Grande Guerre patriotique » tout en omettant les collaborations historiques et le pacte germano-soviétique, façonne un récit où les succès passés sont mis en avant. Pendant ce temps, les élites russes, malgré le discours de décadence sur l'Occident, voit leurs enfants fréquenter les meilleures institutions d'enseignement en Europe, témoignant d'un paradoxe au cœur de la propagande actuelle.