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L'assèchement de la mer d'Aral : un impact sur la tectonique des plaques

2025-04-07

Auteur: Chloé

« L'humanité semble avoir perturbé la tectonique des plaques juste pour améliorer les rendements de coton ! » s’exclame Simon Lamb, chercheur en géosciences à l’Université de Wellington, en Nouvelle-Zélande. L’assèchement de la mer d’Aral, située en Asie centrale, n’a pas seulement provoqué une catastrophe écologique, mais a également eu des répercussions sur le mouvement des roches à des dizaines de kilomètres sous la surface de la Terre, selon une étude publiée récemment dans Nature Geoscience.

La mer d’Aral, qui se trouvait à cheval entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, était le quatrième plus grand lac du monde jusqu'à la fin des années 1950. Le détournement de ses deux principaux affluents, le Syr-Daria et l’Amou-Daria, principalement pour les besoins en eau des cultures de coton et de riz durant l’ère soviétique, a transformé ce vaste corps d’eau en un désert de sable et de sel.

Entre 1960 et 2018, sa surface a diminué de 90 % et son volume de 93 %, devenant un « Tchernobyl silencieux » avec des conséquences écologiques et économiques profondes. Cette diminution a contribué à la mort de nombreuses espèces animales et a pratiquement annihilé les activités humaines dans la région. Les scientifiques soutiennent que les effets de cette catastrophe s'étendent même aux couches profondes de notre planète.

Teng Wang, maître de conférences à l’École des sciences de la Terre et de l’espace de l’Université de Pékin, et ses collègues ont mené une analyse précise de la déformation du sol dans le bassin de la mer d’Aral entre 2016 et 2020. Grâce aux radars satellites, ils ont pu mesurer avec une précision millimétrique les différences de position du sol à l'aide du programme européen Copernicus.

Avant l’assèchement, le poids de l’eau était suffisant pour enfoncer la croûte terrestre. En l’espace de quelques décennies, environ 1 000 milliards de tonnes d’eau se sont évaporées. Les scientifiques s’attendaient à un « rebond » de la croûte alors que le lac s’asséchait. Cependant, ils ont trouvé que le lit du lac continuait à se soulever à un rythme d’environ 7 millimètres par an, et cette élévation est observée sur une vaste zone qui s’étend jusqu’à 500 km du centre de la mer.

Leurs simulations montrent que l’explication de ce phénomène se trouve à plus de 150 km sous la surface, dans l’asténosphère, une couche du manteau terrestre sous la croûte rigide. La roche chaude se déforme lentement sous pression, entraînant le mouvement des plaques tectoniques qui flottent au-dessus.

Du temps de sa splendeur, la pression exercée par la mer d’Aral a déplacé une partie de l'asténosphère, devenue un fluide extrêmement visqueux qui revient à son emplacement d’origine à une vitesse comparable à celle de la tectonique des plaques. Ce phénomène continuera encore pendant de nombreuses décennies. Les résultats de cette recherche soulignent comment l’activité humaine peut influencer la structure de la Terre jusqu’au manteau supérieur, entraînant par ricochet des changements visibles à la surface du sol.