Science

Le Français qui a transformé le traitement des cancers du sang

2024-10-01

Avec sa haute silhouette et son sourire discret, Michel Sadelain, immunologiste de renommée mondiale, quitte un amphithéâtre de la faculté de médecine de Paris. Installé aux États-Unis depuis trois décennies, il prend un moment pour se remémorer les rues qu'il arpentait autrefois comme étudiant, tout en savourant un café place de l'Odéon.

Sadelain est célébré pour ses découvertes révolutionnaires dans les cellules CAR-T, une approche novatrice pour combattre les cancers du sang tels que les leucémies, lymphomes et myélomes. Sa passion pour la recherche médicale s'est développée dès ses débuts à la faculté de médecine de Paris, où il a exploré les mystères du système immunitaire.

Issu d'une famille d'origine polonaise et ukrainienne, il insiste sur l'importance de ses racines dans sa carrière. « Ma culture française et mon éducation républicaine façonnent ma vie, tant personnelle que professionnelle », déclare-t-il fièrement.

Une idée perçue comme irréaliste

En rejoignant le Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York dans les années 1990, il se lance dans un projet audacieux : transformer les lymphocytes T des patients en véritables armes contre leurs propres tumeurs. « Le cancer n’est pas un agent pathogène extérieur. Notre système immunitaire n’est pas efficace pour le combattre seul. J’étais convaincu qu’une « instruction » génétique pourrait doter les lymphocytes T de la capacité à reconnaître et détruire les cellules cancéreuses », explique-t-il.

Malheureusement, son approche a été souvent ignorée, voire moquée, au sein de la communauté scientifique de l'époque. Beaucoup d'immunologistes voyaient la thérapie génique comme risquée, et son intuition a parfois été qualifiée de « saugrenue » ou de « sans avenir ». Malgré tout, Michel Sadelain persévère et continue d'avancer.

Un parcours d'excellence

Jusqu'au début des années 2010, ses recherches sont sous-évaluées. Cependant, en 2014, son travail porte ses fruits : un essai clinique concluant démontre l'efficacité spectaculaire de la thérapie CAR-T pour traiter une forme de leucémie. En 2017, l'Agence américaine du médicament (FDA) approuve officiellement ce traitement, qui a depuis bénéficié à environ 35 000 patients à travers le monde.

Regardant en arrière, Sadelain exprime peu de regrets, à part peut-être le fait de ne pas avoir développé sa carrière en France, considérant que ses idées étaient trop « subversives » pour trouver un soutien financier adéquat. « Même aux États-Unis, le financement n'était pas toujours facile à obtenir », se rappelle-t-il.

Une reconnaissance méritée

Aujourd'hui, Michel Sadelain jouit d'une reconnaissance bien méritée, ayant reçu en 2024 le Breakthrough Prize pour les sciences de la vie, souvent décrit comme les Oscars de la science, ainsi que le prestigieux prix Gairdner. Son nom est même mentionné parmi les potentiels lauréats du prix Nobel de médecine.

La coopération avec une brillante collègue

Il est essentiel de mentionner Isabelle Rivière, une autre scientifique française, pour comprendre toute l'ampleur des contributions de Sadelain dans ce domaine. « Leur collaboration a formé un binôme exceptionnel, évoluant également vers une relation personnelle », décrit Sebastian Amigorena, un collaborateur. Le centre où les cellules CAR-T sont fabriquées, le berceau des premiers traitements de cette nature, est le fruit de leur collaboration.

« Avant Isabelle, tous ceux qui ont tenté de manipuler les lymphocytes T pour développer une thérapie contre le cancer ont échoué. Michel a conçu l'idée, mais c'est Isabelle qui a su la réaliser », souligne Justin Eyquem, ancien élève au laboratoire. Encore une fois, une belle réussite à mettre au crédit d'un Français.