Science

Le méga-courant de l’Atlantique face à un effondrement imminent : que risquons-nous ?

2024-11-22

Auteur: Marie

Parfois décrit comme un immense tapis roulant, le système de courants océaniques qui traverse l’Atlantique — y compris le célèbre Gulf Stream — transporte environ 18 millions de mètres cubes d’eau par seconde. Pour mettre cela en perspective, ce débit représente plus de dix fois le cumul total de tous les fleuves de la planète. Cette « circulation méridienne de retournement de l’Atlantique » (Amoc) joue un rôle clé dans la régulation du climat mondial.

Récemment, la communauté scientifique émet des inquiétudes croissantes : l’affaiblissement de l’Amoc pourrait survenir plus tôt que prévu. Une étude parue en novembre 2023 dans la revue *Nature Geoscience*, réalisée par des chercheurs de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud en Australie, a révélé que l’Amoc pourrait perdre jusqu’à 30 % de sa puissance d’ici 2040, soit deux décennies plus tôt que les précédentes estimations.

Les conséquences d'un tel effondrement pourraient être désastreuses. Selon les auteurs de l'étude, nous pourrions observer des changements climatiques majeurs : un réchauffement accru dans l’hémisphère sud, des hivers plus froids en Europe, et un affaiblissement significatif des moussons tropicales dans l’hémisphère nord.

Les effets de la fonte des glaciers sur l’océan sont alarmants. L’étude de 2023 a montré une probabilité de 95 % d’effondrement de l’Amoc d’ici 2095. De plus, une récente lettre ouverte signée par des chercheurs du monde entier a mis en garde les pays du Conseil nordique sur le fait que la possibilité d’un effondrement de l’Amoc aurait des effets « dévastateurs et irréversibles ».

La situation semble préoccupante. Le sixième rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2021, avait noté avec une confiance « moyenne » que l’Amoc ne s’effondrerait pas avant 2100. Ce « degré de confiance moyen » soulève des inquiétudes, car les études récentes tendent à donner des estimations de plus en plus pessimistes.

Comprendre le mécanisme de l’Amoc est essentiel. L’un de ses moteurs réside dans la plongée des eaux de surface vers les profondeurs dans les zones de hautes latitudes, stimulée par des courants chauds des tropiques se heurtant à des masses d’air froides. Lors de ce processus, une partie de l’eau de mer gèle, laissant le sel derrière elle, ce qui augmente la salinité de l'eau restante, la rendant plus dense et lui permettant de plonger.

Ce système est vital pour redistribuer la chaleur à l’échelle mondiale, favorisant le transfert de nutriments, de carbone et d’oxygène entre l’océan et l’atmosphère, mais le changement climatique perturbe cette dynamique. La fonte massive des glaciers au Groenland et au Canada déverse une quantité importante d'eau douce dans l'océan, ce qui diminue la salinité et empêche les eaux froides de plonger comme elles le faisaient autrefois.

Les modélisations climatiques actuelles ne prennent souvent pas en compte ce facteur additionnel, ce qui complique considérablement les prévisions. Les scientifiques estiment que si l’Amoc devait s'effondrer, les effets seraient catastrophiques pour le climat global.

Des experts tels que Didier Swingedouw, directeur de recherche au CNRS, soulignent que bien que des ralentissements soient probables, l’ampleur et le timing de ces changements demeurent incertains. Les modèles indiquent des variations de l’ordre de -10 à -70 %, reflétant la difficulté inhérente à modéliser un phénomène aussi complexe.

Les risques potentiels ne se limitent pas seulement aux effets climatiques. L'impact sur l'agriculture, notamment en Afrique de l'Ouest, pourrait être dévastateur. Avec une prévision de baisse possible de 30 % des précipitations, le Sahel risquerait de devenir un désert, remettant en question la viabilité de l'agriculture dans cette région déjà vulnérable.

Face à ces incertitudes croissantes, l’urgence est double : réduire l'ampleur du changement climatique tout en s’adaptant à ses conséquences. Malheureusement, actuellement, les risques liés à l’évolution de l’Amoc ne sont ni anticipés, ni évalués sérieusement, augmentant la vulnérabilité des populations touchées.