L'intelligence artificielle (IA) provoque un émerveillement similaire à celui suscité par la révolution industrielle du XIXe siècle. Cependant, les appels à la prudence se multiplient, illustrés par les projets de lois en Californie visant à encadrer son développement, mais également par l'initiative récente du gouvernement français qui cherche à mesurer l'impact environnemental de l'IA. Ces préoccupations soulèvent des questions cruciales concernant notre rapport à la technologie, notre orgueil et notre désir de croire en un progrès illimité.

La capacité humaine à transformer son environnement à l'aide de techniques et de langage − notamment à travers les récits qui façonnent notre perception du monde − est au cœur de notre condition. Cette liberté se manifeste par une quête perpétuelle pour repousser les frontières du possible, comme le montrent les recherches en intelligence artificielle et l'émergence d'applications comme ChatGPT, Gemini ou Llama.

Ces avancées sont à la fois réjouissantes et angoissantes, souvent plus fantasmées que réellement questionnées. Il est vrai que les techniques de base de l'apprentissage profond, une branche de l'IA où les machines ont la capacité d'apprendre à partir de données, existent depuis les années 1950. Cependant, la récente explosion d'applications concrètes telles que les modèles de langage de grande taille (LLM) a pris le grand public par surprise depuis 2018, alors que les chercheurs en IA en connaissaient déjà le potentiel.

Le phénomène de la fascination du public pour ces systèmes est indéniable. Après les échecs du chatbot Tay de Microsoft et des critiques envers Galactica de Meta, ChatGPT a rencontré un succès fulgurant dès son lancement, catalysé par sa facilité d'utilisation et sa capacité à fournir des réponses cohérentes. Ce succès peut largement être attribué à une stratégie marketing efficace qui a su mettre en avant son potentiel d'utilisation.

Dans une interview, Yann Le Cun, directeur de l'IA chez Meta et pionnier du deep learning, a partagé son avis sur cette maîtrise du langage par les LLM. Il a souligné que bien que cela puisse sembler impressionnant, cette capacité repose sur des modèles statistiques relativement simples et ne devrait pas être confondue avec une véritable intelligence.

Mais au-delà des paroles des experts, la question demeure : sommes-nous réellement prêts à affronter les conséquences de cette technologie en pleine expansion sur notre société et notre environnement ? La définition et la mise en œuvre de régulations adéquates sont désormais plus que jamais d'actualité, pour garantir un avenir où l'IA serve l'humanité sans compromettre notre éthique ou notre écologie.