À peine la condamnation de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité de cinq ans pour l'affaire des assistants parlementaires du Front national a-t-elle été prononcée que le Rassemblement national (RN) a violemment réagi, dénonçant ce qu'il qualifie de "tyrannie" des juges. La leader d'extrême droite a déclaré le 1er avril : "Notre pays est en train de perdre ses valeurs fondamentales. Ceux qui prônent l'État de droit sont souvent les premiers à chercher à l'enfreindre.".

Mais les magistrats ont-ils vraiment outrepassé leurs prérogatives en interférant dans la conduite des élus ? Une peine d'inéligibilité est-elle un "scandale démocratique" en soi ? Comment peut-on définir les limites de la légitimité des élus face à celle des juges dans une démocratie ?

Pierre Rosanvallon, éminent historien et sociologue au Collège de France, se penche depuis des années sur l'évolution intellectuelle de la démocratie française. Son œuvre monumentale, qui comprend des titres tels que "Le Sacre du citoyen", "Le Peuple introuvable" et "La Démocratie inachevée", explore la nature complexe de la souveraineté populaire.

En tant que fondateur de la République des idées et de la revue numérique La Vie des idées, Rosanvallon s'est également intéressé aux mutations de la démocratie contemporaine dans une nouvelle trilogie parue entre 2006 et 2011. Son dernier ouvrage, "Les Institutions invisibles", prévu pour 2024, dépeint les rôles cruciaux de l'autorité, de la confiance et de la légitimité dans notre société.

À travers ses travaux, Rosanvallon nous pousse à réfléchir sur le véritable sens de la démocratie et le rôle fondamental que jouent les juges en tant que garants de la souveraineté du peuple, défiant ainsi les critiques qui tendent à opposer justice et élites politiques.