Science

Pourquoi le mariage engage-t-il autant ?

2024-11-25

Auteur: Marie

« Seuls les actes nous engagent », affirmait Charles Kiesler. Cette idée, profondément ancrée dans la psychologie sociale, souligne que les résolutions prises dans l'intimité de notre esprit ne pèsent guère. Pour véritablement avoir un impact, ces décisions doivent être actées devant autrui. Le mariage illustre parfaitement ce principe. Imaginons une situation familière : après avoir décidé de ne plus fumer parce que vous êtes essoufflé après avoir monté cinq étages, quelle est la probabilité que cette décision se dissolve sans un acte public ? Si vous annoncez votre intention à votre entourage, votre collègue tenace qui ne laisse rien passer veille à ce que cette résolution soit respectée. Cet engagement public, selon les psychologues, transforme une simple pensée en promesse solennelle.

Dans son ouvrage « Petit Traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens » (PUG, 2024), Robert-Vincent Joule, expert en psychologie sociale, stipule que pour être engageant, un acte devrait être public, clair, irrévocable, répétitif, avoir des conséquences et comporter un coût. Le mariage coche toutes ces cases avec brio.

Le mariage, un cas d'école pour la théorie de l'engagement

Stéphane Amato, maitre de conférences à l'université de Toulon, explore cette notion à travers le prisme du mariage catholique. « Dans le mariage, toutes les variables d'engagement se conjuguent à la perfection. Les mariés, animés par l'amour, s'engagent, mais c’est aussi le rituel qui les engage », explique-t-il. Dans ses recherches, il décrit le sacrement comme un véritable « rite d'engagement ». La distinction entre « s'engager » (qui convoque la personnalité) et « être engagé » (selon la théorie de l'engagement) est cruciale.

Le caractère public de l’acte est fondamental. Impossible de passer inaperçu : qu'il s'agisse des annonces faites devant l'église, de la cérémonie pompeuse ou de l'assemblée de proches et de curieux, chaque détail est pensé pour que l'engagement soit visible. Même lors d'un mariage civil, la mairie s'ouvre pour garantir cette publicity.

Les effets de cette mise en scène ont été démontrés dès 1947 par le psychologue Kurt Lewin. Il avait pour objectif d'inciter les ménages américains à cuisiner les morceaux de viande moins coûteux. Une première approche de persuasion a échoué ; seulement 3 % des ménagères ont changé leurs habitudes. Mais après avoir demandé aux participantes de s'engager publiquement en levant la main à la fin de la réunion, 32 % d'entre elles ont tenu leur promesse, prouvant l'effet de gel que produit un engagement public.

Le « oui » ferme de l'engagement

Mais le mariage va au-delà : il nécessite une préparation minutieuse. Les mois précédant la célébration permettent de comprendre la portée de cet engagement. Amato souligne que durant la fête, l'engagement des époux est clairement exprimé. Rien n’est laissé au hasard.

En outre, il y a le coût : en temps, en énergie et en argent. Entre les démarches administratives, le choix des témoins, la rédaction de déclarations et les dons pour les cérémonies religieuses, la préparation d’un mariage requiert un investissement considérable. Une fois ces efforts consentis, faire marche arrière devient d'autant plus difficile.

Enfin, deux aspects importants se démarquent : la répétition et l'irrévocabilité. Rien n’est laissé à l’improvisation. Les futurs époux passent par de nombreuses séances de préparation, souvent avec un prêtre. Quant à l’irrévocabilité, elle est inscrite dans le discours dès le départ : il ne s’agit pas d’une union temporaire, mais d’un engagement « pour toute votre vie ». Le « oui » attendu doit être ferme, sans place pour le doute.