Dans un tournant marquant de l'industrie chimique, Covestro, fleuron de l'inventivité allemande, passe sous pavillon émirati. La société allemande spécialisée dans les polymères s'apprête à être acquise par le groupe pétrolier Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc) pour un montant colossal de près de 15 milliards d'euros. Cette opération propulse les Émirats arabes unis en tant qu'acteur clé dans le secteur traditionnel de la chimie le long du Rhin, Adnoc visant à devenir « l'un des cinq plus grands chimistes du monde ».

Fondée en 2015 suite à une scission avec Bayer, qui souhaitait se recentrer sur l'agrochimie et la pharmacie, Covestro est devenue un leader mondial dans le domaine des plastiques haute performance. Ses produits sont essentiels dans divers secteurs, notamment l'automobile, l'ameublement, l'électroménager et la construction. Entrée en Bourse en 2015, Covestro se distingue également par son engagement envers le recyclage des plastiques.

Cette acquisition intervient dans un contexte où Covestro subit depuis plusieurs années une baisse de la demande et des coûts énergétiques élevés en Allemagne. Le président d'Adnoc, Ahmed Al-Jaber, a qualifié le partenariat comme une « alliance idéale ». Son expérience récente lors de la conférence des Nations unies sur le climat à Dubaï en 2023 a renforcé sa notoriété, soulevant des questions sur la compatibilité entre le secteur des combustibles fossiles et les initiatives de décarbonation qu'il promeut. Al-Jaber soutient que les ressources financières d'Adnoc lui permettent de procéder à des acquisitions stratégiques en temps de turbulence pour l'industrie allemande.

Au-delà de cette acquisition, un des défis majeurs réside dans la pérennité des centres de production de Covestro, surtout avec l'éloignement des sources d'énergie bon marché. Pourtant, Adnoc a promis de maintenir les emplois chez Covestro jusqu'en 2032 et de respecter le principe de codécision avec les syndicats.

Markus Steilemann, PDG de Covestro, a affirmé dans une interview que la proximité avec les clients est d'une importance capitale, démontrant ainsi que cet investissement pourrait être un bon signe pour l'attractivité industrielle allemande. Cependant, de nombreuses interrogations subsistent quant à l'avenir des sites de production en Allemagne, alors que le secteur chimique allemand continue de se réadapter face aux défis économiques et environnementaux.

Dans un monde où les enjeux climatiques prennent de plus en plus d'importance, cette vente pourrait également marquer un nouveau chapitre dans l'histoire de l'industrie chimique, mettant en lumière les tensions entre tradition et modernité, entre les pays producteurs de pétrole et les ambitions écologiques.