Urgence : Les scientifiques s'attaquent à la crise des forêts du bassin du Congo
2024-11-25
Auteur: Philippe
Longtemps négligé, le bassin du Congo a porté le fardeau de l’urgence climatique après les forêts de l'Amazonie et d’Indonésie, souvent réduites à de vastes plantations de palmiers à huile et autres monocultures. Cependant, un changement de paradigme s'opère. Récemment, des programmes scientifiques majeurs, tel que l’Initiative Science pour le bassin du Congo (ISBC), ont vu le jour, visant à confronter cette crise avec la même rigueur que celle appliquée en Amazonie il y a vingt-cinq ans avec le projet LBA (Large-Scale Biosphere-Atmosphere Experiment in Amazonia).
Lors de la conférence mondiale sur le climat (COP29) à Bakou (Azerbaïdjan), le gouvernement britannique a annoncé un soutien financier de près de 12 millions de dollars pour cette initiative. "Il est désormais crucial d’investir dans la recherche scientifique en Afrique, car les forêts africaines, bien que cruciaux pour la régulation climatique, sont les moins étudiées", a déclaré Raphaël Tshimanga, professeur à l'université de Kinshasa et co-président de l’ISBC.
Un fait fascinant est que les tourbières du nord du Congo et de la République Démocratique du Congo (RDC), vieilles de plus de 10 000 ans, sont des réservoirs de carbone significatifs, capable de stocker l’équivalent de trois ans d’émissions mondiales de gaz à effet de serre. Paradoxalement, la dégradation de la forêt amazonienne a mis en lumière l'importance des écosystèmes africains.
En 2020, une étude de Wannes Hubau a révélé que les forêts africaines pourraient avoir une capacité de séquestration du carbone supérieure à celle de l’Amazonie, même si cette fonction diminue en raison de la déforestation. L'ISBC prévoit de relaunched des sessions de relevés dans la région, mais la tâche n'est pas sans défi. "Pour mesurer le carbone stocké, nous devons atteindre des zones reculées et mesurer tous les arbres de plus de 10 cm de diamètre, des missions coûteuses et risquées", a expliqué Adeline Fayolle. Actuellement, seulement environ 200 sites sont évalués dans une étendue immense, ce qui n’est pas suffisant.
En parallèle des efforts de l'ISBC, une autre initiative lancée par le Cirad et financée par la France, intitulée One Forest Vision, vise également à améliorer l'observation de cette région critique pour le climat. Les scientifiques s’inquiètent des basculements possibles dans ces écosystèmes forestiers, lesquelles, sous la pression de l’activité humaine et du changement climatique, risquent de ne plus fonctionner comme puits de carbone.
À Yangambi en RDC, des recherches précieuses sont menées pour comprendre comment la forêt réagit aux variations climatiques. Une station de mesure unique en Afrique centrale collecte des données qui pourraient améliorer la fiabilité des modèles climatiques globaux.
La RDC est actuellement le plus grand émetteur de CO2 d'Afrique, perdant environ 500 000 hectares de forêt chaque année, une superficie comparable à celle d'un département français. Les causes incluent des pratiques agricoles non durables et la dépendance au bois comme source d'énergie. Un avenir équilibré nécessite des investissements significatifs dans la recherche sur la forêt et la mise en œuvre imminente de marchés de carbone pour protéger ces précieux écosystèmes.
Dans le cadre de l'accord de Paris, les pays s'engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et la fiabilité des données sera essentielle pour la mise en œuvre de ces marchés. Le Gabon et la RDC sont parmi les pays qui envisagent de tirer parti de ces mécanismes pour soutenir la conservation de leurs forêts. Il est impératif que ces efforts soient intensifiés pour inverser cette tendance alarmante de déforestation et préserver une des richesses naturelles les plus précieuses sur la planète.