Nation

Au procès des viols de Mazan : la banalité inquiétante des accusés

2024-10-07

Auteur: Chloé

Lorsque des psychiatres prennent la parole dans une salle d'audience, l'atmosphère peut rapidement devenir technique et difficilement accessible. Cependant, le mercredi 2 octobre, une lumière inattendue brille lors du témoignage d'une psychiatre devant la cour criminelle du Vaucluse. En 2021, elle a rencontré les sept accusés présents au procès. Elle évoque Jérôme V., incarcéré depuis plus de trois ans, qui lui a affirmé : « Je ne fais normalement de mal à personne. » Cette phrase résume un paradoxe troublant de cette affaire où l'on juge 51 hommes, majoritairement décrits comme des gens sans antécédents violents, « en temps normal ».

Ces hommes, à priori ordinaires, se sont pris dans un tourbillon de déviance. Un jour, ils sont passés d'une existence quotidienne banale à la commission de viols dans une chambre d'hôtel, exploitant une femme inconsciente, endormie par son mari.

Ce fait divers met en lumière des questions essentielles : ce procès est-il un événement exceptionnel ou reflète-t-il une terrifiante récurrence des violences sexuelles contre les femmes ? Est-ce le procès de la « masculinité toxique » ? Ces accusés représentent-ils tous les hommes ? La décision de Gisèle Pelicot, victime devenue symbole de cette affaire, de refuser un huis clos a contribué à faire de ce procès un événement majeur. Elle souhaite que la vérité de son calvaire soit dévoilée, elle qui a subi abus et déshonneur pendant dix ans, parfois sous les yeux de son mari.

Des témoignages accablants et des vidéos insoutenables sont projetés à l'audience, provoquant un choc dans un public déjà ému. Chaque jour, Gisèle Pelicot est applaudi à sa sortie, soutenue par de nombreuses personnes, émanant d’une immense solidarité, y compris de l'étranger.

Les accusés, allant de 26 à 74 ans, semblent issus de divers milieux : électriciens, journalistes, militaires, mais tous partagent un point commun, celui d'avoir fréquenté un site de rencontres dédié au libertinage. La majorité assure qu'ils pensaient participer à un jeu consensuel, avec l'accord de Gisèle. Cependant, ces déclarations s'effondrent face aux preuves vidéo montrant des viols commis par opportunisme.

Pour certains accusés, l'alcool ou des traumatismes d'enfance sont évoqués comme des explications, mais cela ne suffit pas à expliquer les actes d'une banalité choquante. Nombreux sont ceux qui n'ont pas d'antécédents judiciaires pour violence conjugale, et une partie des accusés a toujours été décrite comme des maris respectueux.

Pour Jérôme V., l'engagement que « le respect du consentement des femmes » sera fait dans le futur semble vain face à une société en proie à la méfiance envers les réhabilitations.

Alors que le procès se poursuit, les avocats de Gisèle Pelicot insistent sur la nécessité de comprendre la « banalité du mal », la capacité de l'homme ordinaire à sombrer dans des actes terrifiants. Au-delà des peines encourues pouvant atteindre vingt ans de réclusion, ce procès pose des questions très profondes sur notre société, le consentement et la nature humaine face à la violence sexuelle.