Dans « La Passion selon Béatrice », Béatrice Dalle et Abel Ferrara célèbrent la mémoire de Pier Paolo Pasolini
2024-11-20
Auteur: Louis
Le ciel de Locarno, en Suisse, n’a pas laissé l’orage tant attendu éclater ce mercredi 14 août. Abel Ferrara, le cinéaste italo-américain de 73 ans, a fait son apparition dans une élégante veste blanche, oscillant comme un nuage rassurant dans l’atmosphère du festival. À ses côtés, Béatrice Dalle, presque 60 ans, vêtue de noir, s’installe confortablement sur le canapé d’un grand hôtel surplombant le lac Majeur.
Le duo évoque deux rock stars au crépuscule de leur carrière, mais empreintes de joie et de complicité. Après avoir surmonté les démons de la drogue et de l'alcool, leurs liens entrecroisés remontent à plusieurs années. Abel Ferrara, le réalisateur de Bad Lieutenant (1992), a dirigé Dalle dans The Blackout (1997), où elle côtoyait le célèbre top model Claudia Schiffer. Ferrara se remémore sa fascination pour Dalle, révélée au grand public par 37°2 le matin (1986) de Jean-Jacques Beineix. « Je passais l’été à New York, et tout le monde parlait de Betty Blue. Les gens disaient : ‘Il faut que vous alliez voir cette fille !’ Béatrice, je l’aime à l’écran et en dehors de l’écran », confie-t-il, visiblement ému par cette légende vivante.
Au Festival international du film de Locarno, Dalle et Ferrara font la promotion d’un documentaire intitulé La Passion selon Béatrice, réalisé par le Belge Fabrice du Welz, qui sortira dans les salles le 20 novembre. Ce film suit le parcours de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), un cinéaste et poète controversé, de sa région natale en Italie jusqu'aux lieux emblématiques de ses tournages.
Dans ce film, Béatrice Dalle incarne le personnage principal, voyageant de ville en ville et se confrontant à ceux qui parlent de l’artiste turbulent, l’amour de sa vie. Un arrêt à Rome, ville où Ferrara réside désormais, donne lieu à une discussion fascinante sur les derniers jours de Pasolini, avec Willem Dafoe, acteur du film Pasolini (2014), dans un cadre mystérieux où l’on évoque le meurtre non résolu du cinéaste sur la plage d’Ostie.
Le documentaire, en noir et blanc, plonge les spectateurs dans un portrait nuancé de Béatrice Dalle, qui a découvert Salo ou les 120 journées de Sodome (1975) à 17 ans. « C’était dans une salle à Saint-Michel à Paris. Avec ma culture limitée à l'époque, je me suis demandé : ‘Est-ce que ce n’est pas le plus grand film antifasciste que j’aie jamais vu ?’ Cela m’a poussée à explorer son œuvre, ses écrits et ses autres films », explique-t-elle. Dans Thérème (1968), Pasolini filme les femmes comme des sculptures classiques, selon Dalle. Elle établit également un parallèle troublant avec le Caravage, autre artiste audacieux de l’histoire de l’art, qui avait été accusé de représenter une prostituée comme modèle pour la Vierge. « Le Caravage a choisi la plus belle fille qu’il connaissait. Il voulait que la Vierge soit sublime, tout comme les femmes qu’il peignait. Ce sont des femmes vivantes, faites de chair et de sang », ajoute-t-elle, captivée par la profondeur de l'œuvre de Pasolini.