Emil Ferris, auteure de bande dessinée : « Nous devons tous accepter notre part de monstre »
2024-11-25
Auteur: Philippe
Après une longue attente de sept ans, Emil Ferris, l'auteure américaine à succès, dévoile enfin le très attendu deuxième volume de « Moi, ce que j'aime, c'est les monstres » (Monsieur Toussaint Louverture, 416 pages, 34,90 euros). Le premier tome, publié en 2017, a connu un succès fulgurant aux États-Unis, où il a été salué par le New York Times et reconnu par Art Spiegelman, le créateur de Maus. Ce remarquable travail lui a valu trois prix Eisner, les plus prestigieuses distinctions de la bande dessinée en Amérique. En France, l'album a été tout aussi bien reçu, s'écoulant à 150 000 exemplaires, un exploit pour cette petite maison d'édition, et remportant le Fauve d'or au Festival d'Angoulême en 2019.
« Je ne crois toujours pas à ce qui m'arrive », confie Emil Ferris lors d'un entretien en visioconférence. Elle ajoute que ce qui l'émeut le plus, c'est le retour des lecteurs, pour qui son livre a une résonance particulière. Ce double album ne se limite pas à une histoire d'horreur; il s'agit également d'une enquête policière, d'un roman d'apprentissage et d'une exploration des profondeurs de l'imagination.
Les fans français attendaient avec impatience non seulement le nouveau volume, mais aussi la présence d'Emil Ferris aux Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes. L'artiste, âgée de 62 ans, devait être l’invitée d’honneur et concevoir l'affiche du festival, inspirée par le psychédélisme des années 1970. Malheureusement, en raison de problèmes de santé de son compagnon, sa participation a dû être annulée. Pour réconforter ses admirateurs, une exposition dédiée à son travail sera ouverte à la galerie Martel à Paris jusqu'au 11 janvier 2025.
L'histoire personnelle d'Emil Ferris est une véritable ode à la résilience. Enfant, elle se sentait souvent à l'écart à Chicago, affectée par une scoliose congénitale qui l'a empêchée de se déplacer librement. « J'ai appris à dessiner avant de savoir marcher ! » avoue-t-elle, se remémorant les défis qu'elle a dû surmonter. De plus, un traumatisme lié à une agression sexuelle a profondément marqué sa jeunesse, transformant à jamais sa relation avec les comics.
La lecture de revues de horreur lui a permis de trouver des échappatoires salutaire. Son œuvre phare, « Moi, ce que j'aime, c'est les monstres », est construite comme le journal intime de Karen Reyes, une courageuse jeune louve-garou de 10 ans qui s'embarque dans une enquête sur le meurtre mystérieux de sa voisine Anka Silverberg, une survivante de la Shoah. En évoquant son personnage, Emil Ferris déclare avec un air de mystère : « La plupart des gens m'appellent Emil Ferris, mais certains disent que mon vrai nom est Karen Reyes… ».
Outre la représentation de créatures horrifiques, les illustrations crayonnées d'anciennes couvertures de magazines d'horreur enrichissent étonnamment la narration à travers les deux tomes. Emil Ferris nous rappelle avec force que les monstres, qu'ils soient internes ou externes, font partie intégrante de notre humanité.