Monde

Kaïs Saïed réélu avec 90,7 % des voix : une démocratie en danger ?

2024-10-07

Auteur: Sophie

Le président sortant Kaïs Saïed, souvent critiqué pour sa tendance à l’autoritarisme, a été réélu avec une majorité écrasante de 90,7 % lors des récentes élections en Tunisie. Ce scrutin, décrit par certains comme étant « verrouillé », a également été marqué par un taux de participation alarmant de seulement 28,8 %, le plus bas jamais enregistré depuis le début de la transition démocratique en 2011, date à laquelle le pays a chassé le dictateur Ben Ali.

Saïed a reçu le soutien d’un peu plus de 2,4 millions d'électeurs, alors que près de 9,7 millions étaient inscrits sur les listes électorales. Il a perdu plus de 300 000 voix par rapport aux élections de 2019, où il avait été élu avec 73 % et une participation atteignant 58 %.

Les experts sur la scène politique tunisienne, comme Michaël Ayari de l'International Crisis Group, préviennent que les conditions de ce scrutin étaient défaillantes, avec l'élimination des candidats les plus compétitifs au profit de rivalités jugées insignifiantes. Deux candidats, Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui, ont été laissés dans la course, ne récoltant que 7,35 % et 1,97 % des voix respectivement.

L'accès à cette élection a été entravé par des procédures complexes et un environnement répressif qui a conduit à l'incarcération d'opposants politiques, exacerbant une atmosphère de méfiance vis-à-vis du processus électoral. De nombreux militants et organisations non gouvernementales, tant locales qu'internationales, dénoncent une autorité électorale compromise et un processus biaisé en faveur de Saïed.

L'Union européenne s'est également exprimée sur ces irrégularités, indiquant avoir « pris note » des préoccupations concernant l'intégrité des élections. La répression accrue contre les voix dissidentes s'est intensifiée, avec plus de vingt opposants emprisonnés, y compris des figures emblématiques de l'opposition comme Rached Ghannouchi, leader du mouvement Ennahda.

Depuis le printemps 2023, la répression de la société civile s'est accentuée, et le pouvoir de Saïed semble déterminé à renforcer son contrôle. Il continue d'adopter un discours martial, promettant de « poursuivre la révolution de 2011 » tout en brandissant l'épouvantail du complot contre son régime. Ce contexte soulève de sérieuses inquiétudes sur l'avenir de la démocratie en Tunisie, berceau du Printemps arabe, et sur la possibilité d'une véritable transition vers une gouvernance participative et inclusive.

Alors que le pays fait face à des défis économiques importants, dont un chômage persistant et des flux migratoires croissants vers l'Europe, le gouvernement semble concentré sur le durcissement de son autorité plutôt que sur la résolution des crises socio-économiques. La situation en Tunisie mérite une attention internationale croissante, les voix de la liberté et de la démocratie étant menacées comme jamais.