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La Croatie fait enfin le choix de protéger ses cimetières juifs après des décennies d'oubli

2024-10-04

Auteur: Chloé

Au cœur de Zagreb, la présence discrète d'une étoile de David sur une arcade signale aux visiteurs l'entrée de la parcelle juive du cimetière de Mirogoj. Pourtant, la triste réalité est que bon nombre des tombes juives ont disparu, éclipsées par des sépultures catholiques, témoignant d'une négligence alarmante qui a perduré depuis la Seconde Guerre mondiale.

Sous un décret des années 1950, les concessions de tombes laissées à l'abandon pendant plus de dix ans étaient automatiquement réattribuées. Suite à l'extermination d'une grande partie de la population juive croate, personne n'avait plus la possibilité ou l'initiative de veiller sur les sépultures.

Environ 80% des 25 000 Juifs de Croatie ont été tués durant la guerre, aux mains du régime oustachi pro-nazi, entraînant la destruction de plus de 120 cimetières juifs à travers tout le pays, incluant le magnifique Mirogoj, reconnu pour son architecture néo-Renaissance et ses allées verdoyantes.

Mirogoj accueillait son premier défunt en novembre 1876, Friedrich Miroslav Singer, pionnier de l'éducation sportive à Zagreb.

Le président de la communauté juive de Croatie, Ognjen Kraus, l’affirme : "Aujourd'hui, même à l'entrée de la section juive de Mirogoj, les tombes juives ont disparu." Il fait également état de l'exhumation des restes de plus de 3 000 juifs, une époque de dévastation qu'il juge inacceptable.

Un patrimoine à préserver

En réponse à cette situation lamentable, le gouvernement croate a récemment annoncé son projet de classer 52 cimetières juifs en tant que "patrimoine mémorial". La ministre de la Culture, Nina Obuljen Korzinek, souligne l'importance de cette initiative pour sauvegarder la mémoire des persécutions subies pendant l’Holocauste : "Nous avons décidé de protéger ces sites ensemble en tant que patrimoine mémorial, afin qu'ils ne soient pas oubliés."

Actuellement, quinze autres cimetières juifs bénéficient déjà de mesures de protection, permettant ainsi un entretien et une mise en valeur de leurs histoires. Le gouvernement, aux côtés des municipalités, s'engage à mieux conserver ces lieux et à les rendre accessibles au public.

La communauté juive, bien que réduite à environ 410 personnes selon le recensement de 2021, dénombre en réalité près de 2 000 membres. Face à la montée des discours complaisants sur les pages sombres de l'histoire croate, il est vital de préserver cette mémoire collective. En effet, comme le signale M. Kraus, si cette dégradation se poursuit, "la mémoire des juifs disparaîtra".

Rappelons que la communauté juive a joué un rôle essentiel dans le développement de Zagreb, tant sur le plan architectural que culturel. Aujourd'hui, les cimetières juifs sont des témoins précieux de cette histoire et leur conservation est cruciale pour l’identité culturelle croate. Alan Braun, maître de conférences à l'université de Zagreb, déclare : "Le site de Mirogoj en tant que cimetière multiculturel fait partie intégrante d'un patrimoine à protéger sans hésitation." Cette prise de conscience marque un tournant décisif dans la reconnaissance des injustices passées et le respect des mémoires délaissées.