Divertissement

L'Amateur : Une critique d'un ennemi numérique

2025-04-08

Auteur: Michel

L'heure des semi-professionnels

Comment capturer l'attention des spectateurs en pleine ère de surveillance omniprésente, où chaque mouvement est analysé et chaque interaction scrutée ? Les années 90, marquées par une paranoïa grandissante, ont donné naissance à des récits d'espionnage captivants, alimentés par des technologies de plus en plus intrusives. La saga Jason Bourne a solidifié ce récit en faisant face à un Matt Damon inarrêtable, soulignant la tension entre l'action humaine et des données naviguant à la vitesse de l'éclair.

L'Amateur de James Hawes comprend cette dichotomie et s'amuse, dans sa première partie, à déjouer les conventions du film d'espionnage en évitant de nombreux obstacles. En quelques instants, Charlie Heller, un informaticien introverti à la CIA interprété par Rami Malek, reçoit des secrets compromettants de la part d'une source anonyme, qu'il déchiffre immédiatement.

Cependant, ce développement ne constitue pas le véritable point de départ de l'intrigue, mais plutôt un moyen de pression pour inciter Heller à poursuivre ceux qui ont assassiné sa femme. En un montage fluide, il utilise ses compétences en cryptographie pour identifier les quatre criminels, recourant à une technologie avancée qui permet de réaliser une analyse spatiale en quelques clics.

La tension entre la technologie invasive et la volonté humaine pour lui donner un sens est au cœur de l'œuvre. D'autres films, comme The Dark Knight, examinaient déjà ce pouvoir excessif concédé à une poignée d'individus à travers des récits fictionnels. L'Amateur adopte une vision plus fataliste, montrant que cette réalité est déjà ancrée dans notre quotidien, sans même mentionner les géants technologiques et la question des données personnelles. Le film construit une atmosphère inquiétante, symbolisant la résignation collective face à l'emprise de Big Brother.

Malheureusement, malgré ses bases fascinantes, le film se dissimule derrière un récit de vengeance assez classique. Bien que le sujet comporte clairement une charge politique, l'intrigue s'enlise, contournant toute revendication, favorisant la colère de son protagoniste complexe mais déterminé.

Le flou contextuel, bien qu’intentionnel, semble cependant un peu lâche face aux enjeux abordés. On ne peut ignorer que les opérations secrètes américaines ont souvent causé des dommages collatéraux, un point qui aurait mérité d'être approfondi. Au lieu de cela, L'Amateur tourne vers une trame narrative trop linéaire centrée sur la quête de vengeance de Heller et la dégradation progressive de sa moralité.

Le film aurait pu explorer de manière plus intense l’hésitation de son héros à utiliser une arme à feu, soulignant ainsi la difficulté de la violence physique. Heller préfère choisir des moyens de mise à mort à distance, démontrant une inventivité qui, bien que troublante, ajoute une dimension à son personnage (la scène de la piscine reste mémorable).

En somme, L'Amateur pose des questions cruciales sur notre époque, sur le pouvoir de l'individu face à la technologie et sur la perte inéluctable de l'humanité dans un monde dominé par la data. Un film à découvrir, même si le chemin pour y parvenir est semé d'embûches.