Divertissement

L'écrivain Kamel Daoud et sa femme accusés de 'violation de l'intimité' par une survivante du terrorisme en Algérie

2024-11-18

Auteur: Marie

Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt 2024 pour son roman Houris (Gallimard), fait face à de graves accusations de la part de Saâda Arbane, unique survivante d'un massacre tragique durant la guerre civile algérienne des années 1990, alors qu'elle n'avait que six ans. Dans une déclaration poignante diffusée le 15 novembre sur la chaîne One Tv, Saâda a affirmé que le livre serait basé sur ses confidences à l'épouse de Daoud, une psychiatre qu'elle avait consultée depuis 2015, et qui est ensuite devenue sa femme.

Saâda, qui a subi une terrible tentative d'assassinat et qui a perdu en grande partie sa voix, a clairement exprimé son refus de voir son histoire exposée dans une œuvre de fiction. Elle croit avoir reconnu des éléments de son vécu dans le personnage du roman, qu’elle associe à des détails jugés intimes et ayant été partagés avec sa thérapeute. « Il y a trois ans, Kamel Daoud m'a demandé si je consentais à ce qu'il utilise mon histoire pour son livre, ce que j'ai refusé catégoriquement », raconte-t-elle.

D’un point de vue juridique, l’accusation soulève des questions sérieuses. Selon le quotidien algérien El Watan, la violation du secret professionnel constitue une infraction, ce qui pourrait entraîner des poursuites contre l'épouse de Kamel Daoud, si les accusations sont prouvées. En revanche, cela semble moins évident pour l'écrivain lui-même, tant qu'il n'y a pas de lien explicite entre son livre et l'histoire de Saâda.

Le roman Houris, qui n'a pas été présenté lors du Salon international du livre d'Alger récemment, est déjà interdit en Algérie. Les soutiens de Kamel Daoud dénoncent ce qu’ils qualifient de campagne de calomnie contre lui, rappelant que de nombreux auteurs s’inspirent de faits réels dans leurs créations littéraires. Antoine Gallimard a emphrisé que « l'intrigue, les personnages et l'héroïne sont purement fictifs », tout en accusant certains médias de mener des attaques politiques contre l’écrivain.

Arezki Aït Larbi, directeur d’une maison d'édition algérienne également évincée du salon, a dénoncé une opération de lynchage orchestrée contre Daoud. Des voix dissidentes parmi les intellectuels, comme Ali Bensaad, reconnaissent leurs désaccords avec l'auteur tout en condamnant la haine exprimée à son encontre. Selon lui, cela ne contribue pas à un débat constructif ; au contraire, cela crée un climat de peur et de méfiance.

Les réactions en Algérie semblent partagées, avec un nombre croissant d’intervenants affirmant que cette affaire pourrait compromettre la confiance déjà fragile entre les victimes de violence et les professionnels de santé. Hanane Trinel, une figure féministe, a averti que cet incident risque d'entraver les progrès réalisés concernant le soutien psychologique des femmes victimes de violence.

Au-delà des accusations juridiques, cette controverse soulève des questions plus larges sur la liberté d'expression et les limites de la création littéraire en Algérie. L'auteur, autrefois apprécié pour ses chroniques, a vu sa popularité décliner à la suite de ses critiques du mouvement Hirak et de son refus de prendre position en faveur des détenus d'opinion.

Avec des tensions croissantes dans le paysage politique algérien et les questions de libre expression qui s'intensifient, l'affaire Kamel Daoud pourrait annoncer un tournant majeur dans la manière dont les écrivains abordent des thèmes sensibles dans leurs œuvres.