« L’histoire de Gérard de Suresnes : un reflet d’une France méconnue »
2024-11-18
Auteur: Jean
Thibault Raisse, journaliste indépendant et auteur de *Con de minuit. L’histoire vraie de Gérard de Suresnes* (Denoël, 272 pages, 20 euros), explore à travers le parcours de Gérard Cousin, un SDF devenu une figure emblématique de la radio, l'impact des émissions de libre antenne des années 1990 sur l’histoire de la FM.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un livre sur Gérard Cousin, qui a touché la célébrité sur l’antenne de Fun Radio à la fin des années 1990 ?
À l’époque, j’étais un fervent auditeur de l’émission de Max sur Fun Radio, où Gérard était souvent présent. Toutefois, je suis passé à autre chose avec le temps. En 2015, durant la couverture des attentats du 13 novembre pour *Le Parisien*, j’ai repensé à Max, le speaker du Stade de France qui a su calmer la situation. En lisant son portrait dans *Libération*, je me suis interrogé sur le destin de Gérard. J’ai découvert qu’il était décédé jeune en 2005, à seulement 43 ans, dans la misère et l’isolement. Comment un homme que je voyais comme une star pouvait-il finir sa vie enterré parmi les sans-abris ?
Cette tragédie m’a poussé à approfondir cette descente aux enfers et à retracer la biographie d’un « prolo » qui n’a pas réussi. Mon objectif était de narrer la vie d’une personne née dans l'indigence et morte dans la précarité. J’ai voulu expliquer ce que cela signifie d’être un enfant de la Ddass né dans les années 1960. En toile de fond, se dessine un portrait d’une France oubliée, que personne ne souhaite évoquer.
Comment expliquer l’engouement autour de cette émission ?
Les émissions de libre antenne ont osé explorer les tréfonds de l’expression personnelle. Par exemple, pendant *Lovin’ Fun*, nous parlions sans tabou de problèmes de cœur et de sexualité. L’émission phare, *Les Débats de Gérard*, diffusée de 1996 à 2002, témoignait de cette liberté d’expression où l’on laissait passer des appels de personnes dont les récits dérangeaient les normativités. C’était une connexion directe avec une partie de la population, souvent considérée comme marginalisée, que l’on pourrait qualifier de « France des bistrots ». Cela offrait une perspective éloignée des auditeurs des radios plus traditionnelles.
Pourquoi les émissions de radios libres sont-elles devenues un marqueur générationnel si puissant ?
Ces émissions incarnaient une véritable transgression socialement et culturellement. Par exemple, *Lovin’ Fun* s'inspirait d’un concept américain où des auditeurs s’exprimaient librement sur le sexe, encadrés par un médecin et un comédien. La tonalité était résolument décomplexée, accompagnée d'une bande sonore influencée par le grunge et des groupes comme Nirvana. Cet esprit de liberté a non seulement captivé une génération, mais a également cimenté une culture alternative qui reste encore très présente aujourd’hui. C’est ce mélange osé de musique et de parole qui a permis de créer un sentiment d’appartenance au-delà des simples auditeurs, devenant ainsi un étendard de l'époque.