Divertissement

«Sauvons les Kevin» : les parias se rebiffent

2025-03-22

Auteur: Julie

Et si «Kevin» était devenu le symbole d’une malédiction sociale ? «Si j’avais su qu’un jour un Kevin me rapporterait plus de 2 millions d’euros!» s’exclame un propriétaire à un agent immobilier qui a géré son bien. Ne vous inquiétez pas, ce prénom tant décrié, qui aspire à sortir de l'ombre du mépris, a peut-être trouvé son sauveur.

"Sauvons les Kevin", c’est le titre d’un documentaire réalisé par Kevin Fafournoux, un motion designer de 37 ans, diffusé ce samedi 22 mars sur Paris Première. Son ambition ? Déconstruire les stéréotypes et dénoncer le traumatisme collectif qui touche toute une génération de Kevins.

Fafournoux se bat pour libérer ses semblables, victimes de nombreux mots infamants : «beauf», «Nord Pas-de-Calais», «coupe mulet», «geek», «débile», «passionné de tuning», «gros kéki» et même «ennemi de la langue française». Mais comment en est-on arrivé là ? Au départ, Kevin était une mode des années 90. Les Kevin régnaient en maître sur l'industrie du divertissement mondiale dominée par les Américains.

Le nom est venu des Irlandais, et a connu une ascension fulgurante. L’acteur Kevin Costner a marqué les esprits avec des films emblématiques tels que Danse avec les loups et Bodyguard, tandis que Kevin McCallister, le personnage attachant de Maman, j’ai raté l’avion, est devenu une icône de la jeunesse.

En 1991, Kevin est le prénom masculin le plus attribué en France. En 1994, il atteint son apogée avec près de 15 000 naissances. Le documentaire, qui adopte un ton volontairement kitsch, explique par le biais du sociologue Baptiste Coulmont que ce prénom populaire a connu un essor à une époque où les classes ouvrières prenaient leur autonomie culturelle, choisissant des prénoms qui résonnent avec leurs goûts.

Malheureusement, ces goûts sont souvent méprisés par les classes bourgeoises. Kevin est synonyme de petit blanc malchanceux, un stigma qui dépasse les frontières françaises, observé dans des pays comme le Danemark, la Suisse, l'Allemagne, la Belgique et même le Canada.

En France, Kevin Fafournoux a lancé son projet sur la plateforme de financement participatif Ulule et a réussi à récolter 16 000 euros, atteignant ainsi son objectif à 200 %. Mais qu’en est-il de l’anxiété engendrée par ce prénom, si intense qu’elle pousse certains à adopter une fausse identité dans des lieux comme Starbucks ou sur des applications de rencontre ?

Kevin Bergon, un psychologue basé à Neuilly-sur-Seine, confie avoir hésité à mettre son prénom sur sa plaque professionnelle. «J’ai moi-même vécu ces épreuves douloureuses. Mais nous réagissons en fonction de notre solidité personnelle. Si nous sommes confiants, nous pouvons développer des stratégies d’adaptation, souvent par le biais de l’humour.»

Deux amis touchés par cette problématique ajoutent en riant : «Oui, beauf mais classe ! avec le doigt levé, c’est très important !» Il semble donc que le combat pour redorer le blason des Kevins soit loin d’être terminé, mais avec des alliés comme Fafournoux, un changement de perception pourrait bien être à l’horizon.