TÉMOIGNAGES. "J’ai souvent pensé à abandonner mon mandat" : les maires ruraux face à l'épuisement
2024-11-17
Auteur: Julie
Une enquête poignante de l'Association des Maires de France (AMF) met en lumière une crise silencieuse : près de 80 % des maires se sentent submergés par le stress et l'épuisement liés à leurs responsabilités. Bien que l'ensemble des élus locaux soit impacté, ce sont les maires des zones rurales qui souffrent le plus de cette solitude et de cette charge de travail écrasante. Dans un contexte où la santé mentale des élus devient un sujet de préoccupation majeur, l'AMF alerte sur un phénomène en pleine expansion, surtout dans les petites communes dépourvues de ressources suffisantes.
Dans le Puy-de-Dôme, plusieurs maires témoignent des défis auxquels ils font face quotidiennement. Ces élus, souvent responsables de tâches variées telles que la gestion des déchets ou la sécurité publique, semblent porter un poids bien plus lourd que ce que l'on pourrait imaginer.
"Le maire rural est seul face à tout"
Denis Legendre, maire de Moriat, à la tête d'une commune de seulement 400 habitants, décrit son rôle comme une "prison dorée". À la tête de sa commune depuis deux mandats, il alerte sur le manque de moyens financiers qui accable les petites collectivités. "Un maire d'une petite commune ne touche que 900 euros par mois. On ne peut pas vivre avec ça", se lamente-t-il, ajoutant qu'il doit également gérer son entreprise pour subvenir à ses besoins.
Cet épuisement mental est palpable. Denis explique que même des problèmes apparemment anodins peuvent rapidement devenir pesants : "Lorsque quelqu'un se plaint de crottes de chien devant chez lui, c'est le maire qu'on appelle pour régler le souci. Ça peut paraître trivial, mais ces petites demandes s'accumulent et, si l'on n'est pas préparé, cela peut s'avérer épuisant."
Isolement et manque de soutien : un fardeau supplémentaire
François Crégut, maire de Saint-Martin-des-Plains, après 43 ans de mandat, dresse un constat similaire. Les liens avec l'administration se sont dégradés, et cet isolement pèse de plus en plus sur les élus locaux. "Nous sommes souvent laissés à nous débrouiller seuls face aux problèmes sans véritable appui pour les résoudre", confie-t-il. Il souligne que le perception des maires comme des figures d'autorité est trompeuse, car les attentes des citoyens continuent d'augmenter sans que le soutien ou les moyens ne suivent.
"Faute de soutien, j’ai souvent pensé à abandonner mon mandat", admet-il. Ce désespoir met en lumière la nécessité d'une réflexion plus large sur la façon dont les institutions soutiennent ces élus et la vitalité de nos communautés rurales.
L'épuisement à la croisée des chemins
Rachel Bournier, nouvelle maire de Sauviat, aborde la gestion du stress de manière innovante. Elle a trouvé un équilibre en séparant sa vie personnelle de sa fonction, mais reconnaît qu'il est facile pour les maires de vouloir tout gérer. "Il est crucial de s'imposer des limites, comme ne pas organiser de réunions après 18 heures", avertit-elle, notant que beaucoup préfèrent cacher leur fatigue par crainte d'être perçus comme faibles.
Cette pression est particulièrement forte pour les femmes maires. Michelle Gaidier, maire de Saint-Bonnet-près-Orcival et présidente des femmes élues du Puy-de-Dôme, souligne que dans les petites communes, les élus doivent jongler entre l'administration et l'entretien des infrastructures, sans véritable soutien. "Les sollicitations sont constantes, mais il y a un manque criant de ressources humaines et financières." Elle plaide pour plus de solidarité entre élus pour faire face à ces difficultés et éviter l'épuisement.
Un besoin urgent de prise de conscience
Les maires ruraux ont besoin de signes d’appui, non seulement matériel ou financier, mais également psychologique. Michelle insiste sur la nécessité de créer des espaces d'écoute et des formations adaptées, tant au niveau local que national. Cet appel à la solidarité mérite une attention particulière, car l'épuisement des maires ruraux représente un défi crucial pour l'avenir de nos collectivités et le bien-être des élus.
L'enquête de l'AMF, réalisée en ligne auprès de 5 000 maires, a révélé des résultats alarmants : plus de 3 000 élus ont répondus à un questionnaire témoignant des réalités vécues et des pressions qu'ils subissent. Il est donc impératif de prendre des mesures concrètes pour protéger ceux qui protègent nos communes.