Technologie

Transition énergétique : une saignée industrielle dans le bassin nantais

2024-10-03

« La fête est finie », constate amèrement Cyrille Gohier, délégué CFE-CGC chez General Electric (GE). Depuis un café près de la gare de Nantes, cet inquiet représentant syndical ne cache pas son abattement à l’annonce d’une nouvelle désastreuse : GE Vernova prévoit de supprimer 360 postes sur ses sites de Montoir-de-Bretagne et de Saint-Herblain, impactant gravement l’économie locale. Le site de Montoir-de-Bretagne, spécialisé dans la fabrication des nacelles pour éoliennes en mer, perdra 140 postes, tandis que Saint-Herblain, dédié à l'ingénierie, se voit amputé de 220 postes.

« Nous savions qu'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) était imminent, mais l’ampleur des coupes est incroyable ! Cela représente 60 % de nos effectifs ! » s’indigne Cyrille Gohier. Il souligne que l'on s'attendait à un maximum de 150 postes concernés, et non à une réduction d’une telle ampleur.

Larmes et colère parmi les employés

Deux ans plus tôt, l'industrie éolienne était célébrée lors de l'inauguration du premier parc offshore français par Emmanuel Macron, qui promettait 3500 emplois pour sa construction. À présent, les employés sont en proie à la colère et à l'incompréhension. GE justifie ses coupes par des difficultés inattendues sur le marché : inflation, hausse des taux d’intérêt, baisses des prix de l’électricité, et absence de commandes à partir de 2027. "Il est clair que GE ne souhaite pas maintenir sa présence en France," critique Gohier, soulignant que la compagnie cherche à recentrer ses opérations aux États-Unis, où elle est mieux positionnée.

Des craintes d’une chute en cascade

Dans ce contexte, Gohier s’inquiète déjà d’une nouvelle vague de licenciements en 2027 et évoque la menace de la fermeture totale des sites de Saint-Herblain et de Montoir, sans parler des répercussions sur l’usine de Cherbourg, qui produit des pales. "Sans commandes, elle est également menacée, représentant 700 emplois," alerte-t-il.

Matthias Tavel, député LFI en Loire-Atlantique, appelle à une intervention de l'État, suggérant même une nationalisation temporaire pour maintenir le cap sur les objectifs de décarbonation. Il a déjà adressé une lettre au ministre de l'Économie, Antoine Armand, dans l'espoir d'attirer l'attention sur la crise de l’emploi.

Un millier d’emplois en péril

Les chiffres sont alarmants : selon Tavel, la crise actuelle affecte au minimum un millier d'emplois directs. En incluant les sous-traitants et commerces associés, ce chiffre pourrait tripler. Ce n’est pas un cas isolé ; Nantes et le bassin de Saint-Nazaire subissent une épidémie de PSE récemment illustrée par la fermeture de Systovi, un fabricant de panneaux solaires qui a perdu 80 emplois face à la concurrence chinoise.

Les déboires de Saunier Duval, qui prévoit de supprimer 225 emplois dans son usine nantaise, sont une autre illustration de la fragilité de l'industrie locale. Les entreprises évoquent les hausses de coûts, l’inflation, le ralentissement des logements nécessitant des pompes à chaleur, et la complexité croissante des subventions comme causes de leurs difficultés.

Concurrence asiatique redoutée

La rapidité des changements est effrayante : « Nous passions de l’activité à flux tendu à un chômage partiel en moins de quatre mois », déclare un cadre. Ce dernier plaide pour des mesures de protection pour l’industrie française contre la concurrence asiatique. Anthony Descloziers, vice-président de Nantes Métropole, qualifie la situation de "faillite de l'État", critiquant l'absence de soutien face à une stratégie nationale ambitieuse mais inefficace.

Un dernier coup dur est porté par EDF, qui a abandonné son projet Ecocombust de reconversion à la biomasse de la centrale à charbon de Cordemais en raison d’un manque de viabilité économique. Ce projet aurait pu créer plusieurs centaines d’emplois.

Les inquiétudes grandissent quant à l’inaction de l'État, alors que des élus de tous bords, y compris des députés de la droite comme Raphaël Schellenberger, s’élèvent contre ces décisions, les qualifiant d'erreurs stratégiques pour l'avenir énergétique du pays. L’avenir de l’industrie énergétique en France semble de plus en plus compromis, laissant présager des répercussions non seulement dans le bassin nantais, mais sur l’ensemble du territoire.