L'industrie musicale américaine est-elle enfin prête à se confronter aux violences sexuelles ? Alors que le mouvement #MeToo a déjà profondément secoué le monde du cinéma depuis sa naissance il y a sept ans, l'arrestation du célèbre artiste hip-hop Sean Combs, connu sous le nom de Diddy, soulève à nouveau cette question cruciale.

Accusé d'avoir utilisé son empire musical pour agresser sexuellement plus d'une centaine de femmes, Diddy n'est pas le seul à faire face à des accusations choquantes. Son cas a incité des activistes et experts de l'industrie à exiger une introspection collective. Il est allégué qu'il aurait eu recours à l'alcool et aux drogues pour soumettre ses victimes.

Des plaintes choquantes

En parallèle, une autre figure emblématique de l'industrie, le roi de la country Garth Brooks, est actuellement accusé de viol par une ancienne coiffeuse, une accusation qu'il a fermement niée. Ces révélations surviennent dans un contexte où le passé de R. Kelly, star du R&B emprisonné pour crimes sexuels, continue de laisser une empreinte indélébile sur l'industrie musicale. Kelly a été condamné à 30 ans de prison, rappelant les nombreux abus dont il a été accusé, particulièrement à l'encontre de jeunes femmes.

Malgré ces affaires lauds, le changement dans l'industrie musicale demeure malheureusement limité. Des figures comme Marilyn Manson, Russell Simmons ou encore le DJ Diplo ont également été accusés de comportements abusifs, mais peu de conséquences concrètes ont suivi.

Le mythe de la "rock star"

Caroline Heldman, professeur à l'université d'Ocidental College et cofondatrice de la Sound Off Coalition, décrit un véritable "passe-droit" accordé aux rock stars. Les victimes, souvent influencées par le stéréotype de la "rock star", peuvent se sentir coupables ou s'attendre à un comportement inapproprié de la part de ces célébrités. Ce phénomène s'accompagne d'une image glorifiée, conférant à ces artistes un statut de "génie" qui excuserait de tels comportements.

Par ailleurs, la culture du viol et la misogynie sont profondément ancrées dans cette industrie. Les femmes sont souvent jugées plus « jetables » que leurs homologues masculins. Un changement de paradigme est nécessaire, car de nombreux cas de violences sexuelles, notamment ceux liés à R. Kelly, mettent en lumière les discriminations raciales, les victimes étant souvent moins entendues si elles n'appartiennent pas aux cercles privilégiés du show-business.

Les victimes face à un mur

La question de l'impunité est omniprésente : les stars, souvent entourées d'une armée de collaborateurs, parviennent à étouffer une partie des abus grâce à leur pouvoir et leur influence. La récente plainte de Cassie, ex-compagne de Diddy, a ouvert la voie à d'autres poursuites, mais reflète surtout le combat acharné pour faire entendre la voix des victimes dans un milieu où le silence est d'or.

La chanteuse Tiffany Red a récemment exprimé, à juste titre, que la "culture du viol et la misogynie profondément ancrées" sont de véritables menaces à la sécurité de nombreuses personnes dans l'industrie musicale. Elle souligne que tant que des personnalités influentes continuent d'être impliquées dans des affaires de ce type, le changement sera difficile à atteindre.

Support inattendu

D'un autre côté, une tendance alarmante émerge avec le soutien indéfectible des fans. Les ventes de R. Kelly ont pris un essor de plus de 500 % après sa condamnation, et la musique de Diddy a également vu une hausse de 18,3 % en streaming pendant sa détention. Ce paradoxe démontre non seulement une curiosité malsaine mais aussi un soutien de la base qui pourrait nuire aux efforts de changement.

Cependant, certains observateurs, comme Heldman, croient en une évolution potentielle des mentalités. Les artistes coupables de tels crimes, qu'ils soient avérés ou non, comprennent désormais qu'ils n'ont plus le droit à l'erreur, un signe peut-être d'un changement en cours dans cette industrie qui a longtemps semblé intouchable.