REPORTAGE. "Je finirai par quitter ma ville" : à Barcelone, les habitants s'insurgent contre l'augmentation fulgurante des loyers
2024-11-24
Auteur: Jean
Des milliers de personnes, estimées à 126 000 selon les organisateurs, se sont rassemblées sur la place de l'Université à Barcelone le samedi 23 novembre au soir. Parmi elles, Helena, une jeune femme de 30 ans, éducatrice sociale, agite des clés en signe de protestation contre les prix exorbitants des loyers. Ayant vécu plusieurs années à Toulouse, elle partage une colocation avec trois autres personnes et paye 450 euros par mois pour une chambre, ce qu'elle considère comme une chance. Cependant, son salaire frôle à peine les 1 000 euros, la contraignant à consacrer 40 à 50% de ses revenus à son logement.
La situation de gentrification à Barcelone, un phénomène qui touche de nombreuses métropoles européennes, rend presque impossible son rêve d’habiter seule. « Mes aspirations pour le futur sont compromises, je n’ose même pas imaginer fonder une famille », confie-t-elle. En l’espace d’une décennie, les loyers à Barcelone ont explosé de 68%, atteignant une moyenne de 1200 euros mensuels, alors que le salaire minimum est de 1134 euros. Les jeunes Barcelonais peinent à quitter le domicile parental avant d'atteindre l'âge de 30 ans.
La colère des manifestants se manifeste à travers des slogans ironiques. On peut lire : « Je vends mon rein pour payer mon loyer » sur diverses pancartes. Adria, professeur de mathématiques, exprime son indignation par le slogan : « Nomades digitaux, vous n’êtes pas les bienvenus à Barcelone. » Ce jeune homme, qui paye 1300 euros pour un petit appartement de 50 mètres carrés avec sa compagne, déplore que les travailleurs d'autres pays d'Europe alimentent cette hausse des prix. « Ils s’installent ici, profitent de la ville quelques mois sans payer d’impôts et infligent des tarifs de loyers insupportables aux locaux. Nous ne pouvons tout simplement pas rivaliser avec leurs revenus », explique-t-il.
La mobilisation révèle une inquiétude croissante parmi les Barcelonais, qui se sentent menacés d'expulsion de leur propre ville, une ville qui risque de perdre son âme. Josep, informaticien père de deux jeunes enfants, exprime son désespoir : « J’ai toujours vécu ici, mais je crains de devoir partir. Quand seules les personnes riches peuvent se permettre de vivre dans une ville, son caractère unique en pâtit. » Pol, étudiant vivant encore chez ses parents, se préoccupe quant à lui de l'identité de Barcelone. « Les boutiques traditionnelles sont remplacées par des bars et des commerces destinés aux touristes. La langue catalane disparaît peu à peu des vitrines, remplacée par l'anglais. »
Cette crise du logement à Barcelone pourrait avoir des conséquences durables sur sa culture et son identité, maintenant au cœur d'un débat brûlant sur le futur de la ville.